d'Hadas Ben Aroya (Israël 2021)
avec Elisheva Weil, Leib Levin, Yoav Hayt, Hadar Katz, Hila Mann
Danny est enceinte de Max. Elle veut profiter d'une soirée pour le lui annoncer, mais n'y parvient pas. De son côté Max explore les fantasmes sexuels de sa "fiancée" Avishag. Celle-ci se confie à un vieil homme qui la paye pour garder sa chienne
Et s’il n’y a pas de mer, alors il n’y a pas non plus de navire. Une autre semaine, un autre mois, une autre année
Un film pour le moins étrange. Et qui laisserait un goût amer si le personnage de Dror (un quinquagénaire bedonnant) n’invitait (en III) sa partenaire à écouter le silence, à explorer d’insoupçonnables contrées où le fictif (une émission visionnée sur smartphone qui arrache les larmes par exemple) retrouverait la place qu’il a usurpée, face au réel trop souvent dénié et fantasmé
All eyes off me est composé de trois parties (chacune annoncée par un chiffre rouge 1, 2 3). Dans la première, un long plan séquence ; caméra à l’épaule la jeune réalisatrice nous plonge dans l’ambiance exubérante d’une boîte de nuit. On boit on s’embrasse, on se drogue, on discute … un long récit détaillé sur l’avortement, ou la prise de parole décomplexée ? Danny enceinte cherche le « père géniteur » Max …en vain ! Ce dernier entame une relation avec Avishag qui se concrétise en II. Le spectateur va franchir la porte de l’intime et malgré lui, il est en position de « voyeur » : la chair sa sublime carnation, les corps leurs spasmes, les violences infligées à la demande d’Ashvag, la nudité le pénis en érection, la gourmandise la strangulation, tout cela filmé …presque…en temps réel ! Or ces expériences sexuelles que Max désire renouveler, semblent lasser Avishag. En acceptant de garder (exceptionnellement) la chienne de Dror, elle reposera à ses côtés avant de "provoquer" une relation avec le "vieil" homme. A l’agitation des deux premières parties s’oppose une forme de lenteur, de tendresse et s’imposera le silence salvateur ! Quand Dror, dévêtu expose son corps bedonnant et se met à égrener les mêmes questions que posait Brigitte Bardot à Michel Piccoli dès la scène d’ouverture du Mépris…pour conclure alors tu m’aimes totalement ? on s’interroge, on est mal à l’aise…on doute de la sincérité d’Avishag - qui acquiesce, indifférente.
L’impudeur -quelle qu’en soit sa forme- et qui prévaut dans chaque partie, érigée en norme ?
En montrant les corps (car c’est bien de corps qu’il s’agit) tels qu’ils sont – ni magnifiés dans leur beauté ni dévalorisés dans leurs imperfections-, en faisant d’Avishag le fil conducteur -une jeune femme provocatrice avide de sensations toujours renouvelées, accro du smartphone comme de l’intime exhibé, mais qui accède peut-être à la « révélation »- la réalisatrice met en exergue la vulnérabilité d’une génération. Est-elle aussi libérée qu’elle le prétend ?
La jeunesse israélienne est devenue indifférente à toute chose affirme Hadas Ben Aroya. Elle en a précisé l’origine, lors d’une interview ; Je crois qu’il y a eu un avant et un après Oslo [les accords signés en 1993] . Ce qui a suivi, et qui a frappé de plein fouet ma génération, a été comme une immense résignation. La simple injonction de devoir penser notre situation politique est devenue un fardeau. La jeunesse de mon pays, me semble-t-il, est devenue à la fois indifférente à toute chose et pour cette raison même, dans un sentiment de violence à peu près permanent ».
A vous de juger!!
Colette Lallement-Duchoze