13 mai 2022 5 13 /05 /mai /2022 05:39

d'Alejandro Loaysa Grisi (Bolivie 2021)

avec José Calcina, Luisa Quisle, Santos Choque

 

Grand Prix de la compétition dramatique internationale, Festival du film de Sundance, fin janvier 2022. 

 

Dans l’immensité des hauts plateaux boliviens, Virginio et Sisa veillent sur leur troupeau de lamas. Jusqu’ici, rien n’a pu les détourner de cette vie âpre, héritée des traditions : ni leur âge avancé, ni le départ des habitants de la région, chassés par la sécheresse. Aussi accueillent-ils avec méfiance la visite de Clever, leur petit-fils de 19 ans, venu les convaincre de s’installer en ville avec le reste de la famille. Réticent à l’idée de quitter sa terre, Virginio se montre inflexible. A tel point que le jour où il tombe gravement malade, il décide de le cacher à Sisa et Clever…

Utama: la terre oubliée

Peau flétrie, "géant"  fatigué aux gestes lents Virginio après s’être extirpé du lit se rend comme chaque matin à l’enclos où ses lamas aux rubans de couleurs vont se dandiner dans leur longue marche vers….C’est que l’eau si précieuse pour la survie manque et ce depuis longtemps, trop longtemps. Sisa l’épouse soumise, chaque jour marche elle aussi avec ses deux seaux vers ces points d’eau de plus en plus reculés (le puits du village voisin est à sec, la rivière est lointaine et le haut des montagnes des environs a vu diminuer de façon importante les réserves de glace). La caméra suit le cheminement des deux personnages qui bientôt se fondent dans la vastitude de cet « enfer » à la sublime beauté. Vastitude craquelée par l’aridité, tel un damier du temps.

A force de vivre dans le désert, on finit par lui ressembler.

Ciel et terre sont, dans une perspective animiste, habités par des légendes comme le rappelle Virginio à son petit-fils, à travers celle du condor (ce messager du ciel et de la terre qui doit transporter les âmes des personnes décédées sur ses ailes ) Ailes déployées dans le ciel ou repliées au sol, l’oiseau s’impose au regard du spectateur alors que Virginio évoque sa propre mort…

Ce film où alternent plans très rapprochés sur les trois personnages (Sisa Virginio, Clever le petit-fils) et plans larges voire panoramiques sur la magnificence de l’altiplano bolivien, où les ocres et les clairs obscurs des intérieurs jouent en alternance avec les lumières du désert au pied des montagnes andines, ce film où le minimalisme des dialogues fait résonner une voix muette ou intérieure,  celle du désert , illustre la survivance de traditions dans un microcosme humain voué à disparaitre (et la lente agonie de Virginio qui, malgré sa maladie refuse d’être soigné, en serait la métaphore) et célèbre la beauté sidérante des hauts plateaux boliviens.

Certes  cette chronique d’une mort annoncée souffre  d’un récit trop prévisible, de dialogues trop explicatifs et de bruitages sur dimensionnés (quintes de toux par exemple). Mais les non-dits qui "s'expriment"  dans les regards ou les gestes de tendresse, (la main de Sisa telle celle d'une pietà sur le corps de son époux/enfant), la solidarité des villageois (cf la superbe séquence de l'enterrement où  le noir du deuil contraste dans la verticalité même avec un environnement inondé de lumière),  l'esquisse d'un conflit générationnel de type documentaire (modes de vie et langue dissemblables entre Clever et ses grands-parents)  et cette façon stupéfiante de filmer une "terre oubliée" compensent aisément  de tels  "défauts" 

Un film que je vous recommande vivement 

 

Colette Lallement-Duchoze 

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