Justin Kurzel ·(Australie 2021)
avec Caleb Landry Jones, Essie Davis, Anthony LaPaglia, Judy Davis, Sean Keenan
Festival Cannes 2021 prix d'interprétation masculine pour Caleb Landry Jones
En Australie dans le milieu des années 90, Nitram vit chez ses parents, où le temps s’écoule entre solitude et frustration. Alors qu'il propose ses services comme jardinier, il rencontre Helen, une héritière marginale qui vit seule avec ses animaux. Ensemble, ils se construisent une vie à part. Quand Helen disparaît tragiquement, la colère et la solitude de Nitram ressurgissent. Commence alors une longue descente qui va le mener au pire.
Je voulais que le public, en particulier ceux qui sont favorables au port d’armes, passe un moment avec un personnage qui ne devrait de toute évidence pas avoir accès aux armes à feu », (Kurzel notes d’intention).
Nitram (soit Martin épelé à l’envers) n’est donc ni un film à thèse (même si le réquisitoire contre le port d'armes est patent) ni un biopic (même si le réalisateur s’est inspiré de la tuerie de Port Arthur de 1996 qui d’ailleurs ne sera évoquée et partiellement filmée hors champ qu’à la fin) mais un questionnement : pourquoi Martin en est-il arrivé là ? entendons à une telle dérive ? Un tel choix a été contesté. L’eût-il été si la référence à la tuerie de 1996 n’avait pas été révélée in fine ?
Pendant plus de la moitié du film tout est mis en œuvre pour que le spectateur pénètre une psyché tourmentée sans forcément susciter empathie compréhension tant la mise en scène est froide voire glaçante, tant la « noirceur » du personnage est criante ! Nous voyons d’abord Martin très jeune passionné par les feux d’artifice (en guise de prologue et d’avertissement ???). Puis affublé du sobriquet Nitram le voici vivant en décalage permanent, lui le solitaire le mal-aimé (hormis par ses parents au rôle pour le moins ambigu) ; victime de sautes d’humeur effarantes, il semble trouver un « semblant » d’équilibre auprès d’Helen une femme mûre de 30 ans son aînée et fortunée (Essie Davies, l’épouse du réalisateur) ; et le basculement -lorsque celle-ci meurt dans un accident de voiture-, telle une spirale qui va progressivement le transformer en Léviathan.
L’alternance entre la lenteur du rythme et les ellipses, entre séquences de type « documentaire » (cf celle chez l’armurier si glaçante ; Nitram n’a pas de permis et pourtant …) et celles plus romanesques (cf la parenthèse vécue avec Helen, à l’abri du monde dit normal, hors d’une société qui ne les « comprend » pas, oasis enchantée mais éphémère), crée précisément un tempo. ; un choix de cadres très resserrés comme pour « envelopper » le personnage principal, et/ou privilégier la « sensorialité » du récit ?
Saluons la prestation de l’acteur texan Caleb Landry Jones (récompensé d’ailleurs par le festival de Cannes 2021). Avec sa « gueule » d’éternel faux enfant, son allure poisseuse ou lunaire, il envahit l’écran ; ou bien il est repoussé dans un coin de l’image comme s’il était de facto à l’écart ; il agace souvent (et c’est d’ailleurs le but recherché)
Un film qui - et c’est un truisme- ne peut laisser indifférent
Un film que je vous recommande
Colette Lallement-Duchoze