De Tatiana Huezo (Mexique 2021)
avec : Ana Cristina Ordóñez González , Marya Membreño , Mayra Batalla , Norma Pablo , Olivia Lagunas
présenté à Cannes 2021 (Un Certain Regard)
Trois jeunes filles vivent dans un village rural de Guerrero dominé par la présence violente du trafic de drogue local et la menace de la traite des êtres humains. Entraînées par leurs mères à fuir à tout moment et contraintes à des mesures extrêmes pour échapper à la capture, elles doivent apprendre à naviguer dans leur environnement difficile
Des mains creusent la terre. Le plan s’élargit : nous identifions les deux personnages: une mère et sa fille « Allonge-toi Ana ». Et la gamine rejoint cette « tombe » à ciel ouvert. Fin du prologue. Tout est dit ou du moins suggéré…
La réalisatrice va suivre le « parcours » de trois gamines Ana Mar’ia et Paula. Elles s’adonnent à des jeux de télépathie, se baignent, suivent les cours dispensés à l’école, aident au ménage, mais simultanément Tatiana Huezo capte un quotidien (qui perdurera 5 ans plus tard après une ellipse assez fracassante) menacé par les risques d’enlèvement, - la vigilance des mères qui est de tous les instants peut être contrariée-..., un quotidien où le retour du père, de l'époux est incertaine et partant, angoissante, un quotidien où des « hors la loi », les membres d'un cartel de la drogue, tuent sans vergogne et en toute impunité, un quotidien où la dispersion de pesticides par hélicoptères peut attenter à la vie (celle des humains des animaux de la nature).
Les scènes d’insouciance voire d’intrépidité alternent avec les séquences d’horreurs, les scènes d’intérieur (petites masures) avec celles tournées en extérieur (par deux fois voici une colline qu’éclairent les portables des mères à la recherche de réseau pour alerter les époux partis au-delà de la frontière ; le chemin qui sinue vers le village, d’abord solitaire est bien vite encombré des voitures des cartels ou de …la police) de même que l’intime (relation mère/fille, premiers émois amoureux) alterne avec la vie de groupe (apprentissage à l’école, réunion du village, collecte étroitement surveillée du pavot).
Très souvent le langage s’efface au profit de la gestuelle des signes presque imperceptibles et la puissance du silence. Certains détails resteront hors champ, leur nature tragique est restituée par l’écho assourdissant des armes meurtrières. Ou le regard hébété de celui qui a vu l’innommable (le sang) ou devine l’irréparable (objets abandonnés suite à l’enlèvement de …) Et un motif musical (Jacobo Lieberman) s’en vient illustrer les moments les plus dramatiques)
Leonardo a demandé à ses élèves de « construire » un corps humain à partir d’objets de récup. Il demande à Ana de commenter à la fois la nature du matériau et la partie du corps reconstitué
Un scorpion dans un bocal c’est la colonne vertébrale ; des fils de fer ce sont les mains….
Un film à ne pas rater
Colette Lallement-Duchoze
à voir sur Mubi