Court métrage expérimental de Peter Tscherkassky (Autriche 2021) 20'
en hommage à Kurt Kren
présenté à la quinzaine des réalisateurs Cannes 2021
Voici une balade fantôme dans la salle des machines du septième art, une cérémonie de la mécanique violente des véhicules ferroviaires et des transporteurs d’images. Tscherkassky parcourt l’histoire de l’avant-garde cinématographique, centrant son travail sur des citations du cinéma visionnaire
Le plan d'ouverture sera le seul plan fixe de ce court métrage au rythme vertigineux.
Voici deux femmes : l'une debout, avec une valise, sur le chemin de fer, l'autre, accroupie, la tête posée sur le rail. L'objet de leur attente? de leur quête?
Nous les reverrons dans le plan final après un "voyage" presque halluciné, où leurs regards se seront confondus avec ceux des spectateurs -du film et de la salle,- qui eux-mêmes regardent "passer le(s) train(s) " tout en étant leurs "passagers"
Un voyage où se mêlent, se superposent, trépidantes, frénétiques, des images empruntées à de vieilles pellicules recyclées, à des rushes de films, découpés en collages; les perforations de la pellicule se confondant avec les voies ferrées.
Cinéma et train ne sont-ils pas étroitement liés? Par le mode de fonctionnement certes (une avancée, un mouvement) par d'évidentes ressemblances (fenêtres du train et photogrammes, rails et perforations de la pellicule), mais surtout par l’époque de leur apparition l’un comme l’autre incarnant ce moment de l’Histoire où la vitesse du monde s’est considérablement accélérée.
Deux « transporteurs » donc dotés de ces capacités à « fabriquer » des bouleversements (fussent-ils anxiogènes !!) et la "machine" imaginée (recréée à partir de ...) par Peter Tscherkassky nous embarque en 2021 dans des accélérations (cf les traverses clouées au moment même où le train s’avance…) ...jusqu’à l’accident …Ascension effondrement (tout comme on assiste à l'extinction de l'outil primitif du cinéma)
Laissons-nous entraîner comme dans un "train fantôme", avec carrosses, destriers à l’assaut du "cheval de fer" , le « découpant » et par lui "découpés" , au son d’une musique qui n'est pas sans rappeler celle de Steve Reich (different trains)
Ce court métrage expérimental du maître autrichien avant-gardiste est sans conteste un hommage frénétique à l’histoire d’amour entre les trains et les débuts du cinéma, un voyage fantasmagorique au cœur de la mécanique des images animées !
Colette Lallement-Duchoze
à voir sur Mubi