14 janvier 2022 5 14 /01 /janvier /2022 07:20

De Robert Guédiguian (France Sénégal 2021) 

 

avec Stéphane Bak, Alicia Da Luz Gomes, Saabo Balde, Ahmed Dramé 

En 1962, le Mali goûte son indépendance fraîchement acquise et la jeunesse de Bamako danse des nuits entières sur le twist venu de France et d'Amérique. Samba, le fils d'un riche commerçant, vit corps et âme l'idéal révolutionnaire : il parcourt le pays pour expliquer aux paysans les vertus du socialisme. C'est là, en pays bambara, que surgit Lara, une jeune fille mariée de force, dont la beauté et la détermination bouleversent Samba. Samba et Lara savent leur amour menacé. Mais ils espèrent que, pour eux comme pour le Mali, le ciel s'éclaircira.

Twist à Bamako

Un film hommage au photographe Malick Sidibé ? (cf générique de fin) Rappelons que Robert Guédiguian fut impressionné par la rétrospective que la fondation Cartier consacrait en 2017 au photographe, décédé en 2016. En cela le film serait réussi, si l’on admet qu’il joue le rôle de « bande son aux clichés du photographe ». Voici, en couleurs, des jeunes aux rires francs, aux corps comme désarticulés dans leurs déhanchements twistés, qui "s’éclatent"  dans des boîtes de la capitale Bamako (même si pour des raisons sécuritaires le film a été tourné au Sénégal) sur fond de musiques yé-yé et rock ; et soudainement le flux dansant se fige en un « arrêt sur image » noir et blanc -un procédé récurrent. Or c’est la même vitalité, la même frénésie la même fièvre dans une ambiance nocturne qui émanent des clichés de Malick Sidibé (cf Malick Sidibé, Mali Twist - Fondation Cartier pour l'art contemporain).

Couleurs et noir et blanc, nuit (la fièvre dansante) et jour (la fièvre émancipatrice, l’effervescence révolutionnaire) cette alternance formelle le cinéaste la met au service d’une « démonstration » aux allures de dialectique : de l’espoir (confiance absolue dans le socialisme naissant juste après l’indépendance avec Modibo Keïta) à l’amère déception (quand le pouvoir détricote les "acquis" fondés sur le collectivisme, musèle l’opposition et condamne une jeunesse "déviante" celle qui s'adonne aux plaisirs de la danse , celle qu’’incarne précisément un jeune couple : Samba le militant de la première heure et Lara cette jeune fille mariée de force qui s’échappe de la chape de plomb familiale.

Un double dynamique donc -amoureuse et politique, avec leurs icônes respectives qui tapissent les murs des chambres-  et une double confrontation -aux préjugés ancestraux d’une part qu’incarnent les chefs de village inféodés à leur pouvoir-, et aux visées affairistes d’autre part, qu’incarnent les bourgeois commerçants, soucieux avant tout de leurs bénéfices, ils ne peuvent adhérer aux idéaux socialistes de solidarité….

Mais comme souvent chez Guédiguian la démonstration se veut trop didactique…

Au tout début de Twist à Bamako la succession de saynètes censées valoriser le travail de groupe est entachée par une musique surdimensionnée, et l’épilogue (Bamako 2012) (ne pas spoiler) est assez acrobatique ; un "twist" au  sens cinématographique? un "savant gloubi boulga" ? ou tout simplement l’illustration de cette conviction ."Tout le mouvement ouvrier, les socialistes, les communistes, le mouvement syndical, ont pêché par manque de sens de la fête, du spectacle et du rire", "le twist, c'est extrêmement efficace pour remporter une victoire idéologique »

 

Colette Lallement-Duchoze

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