de Donn Alan Pennebaker et Chris Hegedus (US 1979)
à voir sur Tënk
Le soir du 30 avril 1971, un public de lettré·e.s et de militant·e.s se presse à l'hôtel de ville de New York pour voir l'écrivain, scénariste, réalisateur et acteur Norman Mailer (qui vient d'écrire "The Prisoner of Sex") débattre avec un panel d'intellectuelles féministes. Le sujet est la libération des femmes, question sur laquelle Mailer se fait l'avocat du diable. Pour le mettre à l'épreuve sont notamment réunies l'écrivaine et critique Jill Johnston (autrice de "Lesbian Nation : The Feminist Solution"), la critique littéraire Diana Trilling, la présidente de la National Organization of Women (NOW), Jacqueline Ceballos, et peut-être son adversaire la plus coriace, l'autrice de "La Femme eunuque" à la langue affûtée, Germaine Greer.
Cet événement a fait date, et ce film se révèle stimulant ainsi que diablement divertissant.
Commentaire de Tënk
Un film incroyable, un document historique d’une vive actualité. Town Bloody Hall est la « captation » en cinéma direct d’un débat passionné organisé à New York en 1971, auquel participent quatre intellectuelles : l’écrivaine et critique Jill Johnston, la critique littéraire Diana Trilling, la présidente de la National Organization of Women Jacqueline Ceballos, et l’autrice de « La Femme eunuque », Germaine Greer. Et au milieu (mais un peu devant quand même), un homme : l’écrivain Norman Mailer. Tout ce beau monde est rassemblé pour débattre du sujet de la libération des femmes (et un peu de Norman Mailer aussi).
Federico Rossin, qui a choisi de programmer ce film en parle ainsi : « Town Bloody Hall est une étonnante capsule temporelle qui mérite d’être revisitée : si de nombreux sujets de discorde semblent dépassés, le cœur de la discussion entre le misogyne Mailer et un groupe d’intellectuelles/guerrières féministes états-uniennes est toujours brûlant, vu l’état pitoyable de certaines émissions télé et de débats journalistiques d’aujourd’hui. »
La parole est belle, le débat joyeux, houleux, les propos forts, parfois honteux, le public réactif et engagé : on s’indigne, on hue, on rit ! Et la caméra et les micros des réalisateurs captent tout cela au vol, attrapant la poésie de certaines interventions, les vérités énoncées, les incompréhensions et tout ce qui aujourd’hui, autour de la révolution féministe, résonne encore. Par exemple, écoutons Germaine Greer : « Je pense que le problème est que nous réalisons tous, d’une certaine manière, que nous avons été dirigés par la force, et le monde a été dirigé par la force d’aussi loin qu’on se souvienne. Et que si nous sommes au bord d’une révolution et que c’est ça ou la mort alors ce doit être la seule révolution qui substituera à la loi du plus fort quelque chose d’autre, un ordre social plus complexe et sophistiqué, construit sur une interaction plus complexe des facultés et des personnes. »
Ce qui est un tout petit peu chiffonnant, 50 ans après, c’est qu’une autre prise de parole résonne encore – celle d’un homme dans le public à la fin du débat : « Je ne comprends vraiment pas ce que les femmes demandent. Supposons que je veuille le leur donner. »