De Christian Schwochow. (Allemagne 2019)
Avec Ulrich Noethen, Tobias Moretti, Levi Eisenblätte
Siggi Jepsen est enfermé dans une prison pour jeunes délinquants Après avoir rendu copie blanche lors d'une épreuve de rédaction, sur "Les joies du devoir" il est en isolement. Dans sa cellule, il se remémore la période qui a fait basculer sa vie. En 1943, son père, officier de police, est contraint de faire appliquer la loi du Reich et ses mesures liberticides à l'encontre de l'un de ses amis d'enfance, le peintre Max Nansen, privé d’exercer son métier. Siggi remet alors en cause l'autorité paternelle et se donne pour devoir de sauver Max et son œuvre...
Dès la séquence d’ouverture domine une atmosphère pesante, malaisante voire malsaine. Ce qu’accentue cette façon de filmer et de cadrer qui fait la part belle aux plans fixes, aux couleurs blanchâtres, aux vues en plongée ou aériennes, aux silences et aux regards plus éloquents que certains dialogues. Sigi est le seul parmi ses camarades « délinquants» à avoir rendu copie blanche ; il sera en isolement. Toutes les humiliations (se déshabiller, exposer une nudité que l’on palpe et ausculte) trouveront un écho au cours d’un récit …qui va exhumer certains pans de son passé.
Les joies du devoir.!!!
Flash back. 1943 Sigi enfant préadolescent est écartelé entre le respect dû au père, Jens Ole Jepsen -mais un père autoritaire et brutal qui obéit de façon maladive aux diktats du nazisme (le devoir comme valeur suprême)- et un peintre Max Ludwig Nansen (ami de longue date) plus aimant, plus amène, mais condamné par le régime, au prétexte que sa peinture est de l’art dégénéré.
En adaptant le livre de Siegfried Lenz (paru en 1968) Christian Schwochow alterne les scènes d’intérieur (où chaque plan semble emprunter à la peinture ; la peinture n’est-elle pas au cœur du conflit ?) et les extérieurs où l’environnement spectaculaire des bords de la mer du Nord filmé avec une certaine lenteur peut faire éclater des forces vives capables de terrasser l’être humain ; beauté apollinienne de ces étendues, de l’estran, de ces grains de sable, de ces éclaircies et beauté démoniaque des essaims de mouettes, de l’horizon que noircit l’orage, des vents tumultueux. (l'artiste installé sur l'estran avoue peindre "la douleur"). Un double environnement pour le jeune Sigi et un tiraillement intérieur. Une étrange étrangeté au service d’une quête voire de cette « révélation » ? formulée par JP Sartre le devoir, c’est la volonté de l’autre en moi, l’aliénation de ma liberté propre
Un film qui condamne la justification des crimes nazis par le "sens du devoir" , un film qui dénonce l’obéissance aveugle -et fatalement destructrice- à l’ordre politique mais aussi social et patriarcal (et l’acteur Ulrich Noethen qui vient du théâtre incarne avec maestria ce père impitoyable et barbare), un film qui revendique la prise de position comme expression du libre arbitre, vécue telle une évidence solaire par le peintre, mais via tout un cheminement intérieur pour Sigi et ce, malgré quelques zones d’ombre -dont les motivations peut-être inavouables qui l’ont conduit plus tard à « voler » les tableaux
On peut "déplorer" le parti pris esthétisant, des longueurs, la "rigidité cadavérique" ou encore des raccords appuyés--sur la paume blessée par exemple-
Malgré ces bémols La leçon d'allemand est un film à voir , assurément
Colette Lallement-Duchoze