23 décembre 2021 4 23 /12 /décembre /2021 09:51

Un film de Kavich Neang  ( Cambodge 2020) 

avec Piseth Chhun, Sithan Hout, Sokha Uk, Chinnaro Soem, Sovann Tho, Jany Min, 

 

Première mondiale, Festival de Venise 2021

Samnang, 20 ans, doit faire face à la démolition de la maison qu'il a toujours habitée à Phnom Penh , le White Building, et aux nombreuses pressions de son entourage -famille, amis et voisins, alors que sonne la destruction du bâtiment...

White Building

 

Vue aérienne ralentie sur le White Building : ainsi s’ouvre le film. Or si cette barre d’immeuble fut détruite en 2017 le réalisateur qui avait commencé le tournage en 2016, a puisé dans ses images d’archives et ses souvenirs...

"Le White Building était une barre d’immeuble conçue par l’architecte cambodgien Lu Ban Hap et le franco-ukrainien Vladimir Bodiansky en 1963, suivant un plan d’urbanisme du modernisateur Vann Molyvann, à l’époque du roi Sihanouk. Cette résidence d’état, située en plein cœur de la ville, était destinée aux fonctionnaires du ministère de la Culture. Elle a été vidée de ses habitants pendant le régime des Khmers rouges. Puis dans les années 1980, la population s’y est réinstallée, comme mon père, sculpteur et moi j’ai grandi avec les nouveaux voisins. C’était un immeuble unique qui était devenu emblématique d’une époque qui disparaît. On y vivait en communauté, des peintres, des musiciens, des couturières, la porte ouverte sur le couloir. Il y régnait une atmosphère spéciale qui m’a fait grandir en tant qu’artiste".

 

Composé de trois parties distinctes, Bénédiction, La maison aux esprits, Saison de la mousson, chacune ayant sa spécificité (atmosphère couleurs tonalité) le film établit des parallèles entre la destruction de l’immeuble et celle des rêves, entre les dégâts du capitalisme et ceux de l’histoire tragique du Cambodge (le départ forcé des habitants ne rappelle-t-il, pas l’exil imposé par les Khmers vers les campagnes?) il montre avec pertinence tous les « dégâts collatéraux » sur les habitants, dont le jeune Samnang, le « double » de Kavich Neang 

Voici un trio d’adolescents, que l’on suit sur leur scooter (cf l’affiche) l’ambiance électrique, le rythme, les néons les pétarades rappellent Diamond Island de Davy Chou. cf Diamond Island - Le blog de cinexpressions Insouciance, période des rêves fous!. Mais l’ambiance délétère, les thèmes de la perte, de la maladie (on comprend vite que le pied nécrosé du père est la métaphore d’une autre nécrose….. pourriture qui détruit l’immeuble, pourriture du capitalisme et sa gentrification programmée) vont imprimer aux deux autres parties une certaine mélancolie. Aux nuits cambodgiennes de la capitale, à leur plasticité cinégénique, succèdent les journées à l’intérieur du building, et sur l’expulsion des habitants. . Le rire franc,  le sourire (sur le visage de Samnang) se sont estompés, s’impose désormais une certaine gravité ! Il y a ces clivages opposant ceux qui acceptent l’indemnisation malgré tous les malgré, personnes âgées,  après des décennies de guerre et d’épuisement et ceux qui résistent dont la famille de Samnang…(le père d’ailleurs mène un triple combat : contre les financiers, contre  la copropriété et contre son diabète…)

La façon de filmer le White Building (lents travellings latéraux sur des parties éventrées, sur des murs lépreux ou ambiance apaisante d’ensommeillement pendant la sieste alors que flotte le tulle des rideaux) semble insister sur le fait qu’on assiste non seulement à la disparition définitive d’un "taudis" mais aussi et surtout à celle d’une âme, celle qui habitait ces lieux. Qu’est-ce l’indemnisation comparée à la force d’une vie, à la puissance de souvenirs, à jamais enfoui.e.s ??

 

On regrettera toutefois qu’en s’inscrivant dans la lignée d’un Apitchapong Weerasethakul, Kavich Neang ne parvienne pas (comme le maître !) à « convaincre » -du moins à entraîner l’adhésion du spectateur-, dans les moments fantasmés oniriques ou plus contemplatifs (quand Samnang par exemple arpente les coursives du bâtiment et qu’apparaissent les « fantômes du passé »)

Hormis ces quelques réserves, White building est un film à voir !

Assurément !

 

Colette Lallement-Duchoze  

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