Premier long métrage de Cécile Ducrocq (2020)
avec Laure Calamy, Nissim Renard, Béatrice Facquer, Romain Brau
A Strasbourg Marie se prostitue depuis 20 ans Elle a son bout de trottoir, ses habitués, sa liberté. Et un fils, Adrien, 17 ans. Pour assurer son avenir, Marie veut lui payer des études. Il lui faut de l'argent, vite.
Non ce n’est pas un film brûlant sur la prostitution » (titre de Marianne)
Ce premier long métrage de Cécile Ducrocq met en scène une mère (certes elle a fait le choix de la prostitution indépendante) qui coûte que coûte (sens propre et figuré) se bat pour assurer à son fils (viré de son établissement où il préparait un BTS de cuisinier, il risque d'être marginalisé après avoir été déscolarisé ) un cursus à peu près « honorable » (en écho une prostituée du bordel transfrontalier agit de façon identique et planque un magot destiné à sa fille en Afrique...)
Combat d’une mère donc. Une mère habitée par la rage de « vaincre » Marie est décidée (accepter l’esclavage des bordels, renoncer provisoirement à son statut de prostituée indépendante) à se procurer ce sésame- quand on vit dans une forme de précarité, qu’on n’est pas né du bon côté- pour entrer dans une boîte privée. De défaites en défaites, d’humiliations en humiliations, un chemin accidenté et scabreux. Une mère courage ? Oui et non . Marie aveuglée par l’ambition de « sortir son fils Adrien » des ornières de sa « classe sociale » d’échapper au « déterminisme social » n’est pas à même de comprendre que cet ado a d’abord besoin qu’on lui fasse confiance et la séquence avec l’avocat (travelo que dans un premier temps Adrien refuse) est à cet égard révélatrice
Le tempo du film est précisément assuré par la succession de ces démarches qui virent à l’engueulade (prises de bec entre Marie et son fils, entre Marie et certains de ses clients, engueulade avec le boss et les prostituées du bordel, avec la secrétaire de l’institution et plus en sourdine avec les parents), C'est l'équivalent des "rebondissements" dans n’importe quelle intrigue scénarisée. Envolée acmé retombée, un schéma narratif et dramatique répété ad libitum jusqu’au moment où …le fils réussit à se prendre lui-même en charge…. On peut discuter de ce dénouement (politiquement c’est le triomphe du statu quo « vous les précaires ne sortez surtout pas des clous » et contentez-vous de…)
Certes Laure Calamy interprète avec talent cette mère fougueuse et bienveillante.
Certes le film brosse sans complaisance le portrait d’une société précarisée (où l’argent-roi dicte les pires comportements) de même qu'il ne cède jamais à la tentation du voyeurisme et du misérabilisme -en nous introduisant dans l'univers de la prostitution
Mais pourquoi diable une démonstration aussi longue qui flirte avec la tautologie ?
Colette Lallement-Duchoze