19 décembre 2021 7 19 /12 /décembre /2021 19:00

de Asghar Farhadi

Avec Amir Jadidi, Mohsen Tanabandeh, Sahar Goldust...

Grand prix Cannes 2021

 Rahim est en prison à cause d’une dette qu’il n’a pas pu rembourser. Lors d’une permission de deux jours, il tente de convaincre son créancier de retirer sa plainte contre le versement d’une partie de la somme. Mais les choses ne se passent pas comme prévu…

Un héros

Malheureux le pays qui a besoin de héros  Bertold Brecht La vie de Galilée
 

 

Voici un immense échafaudage (filmé à Chiraz capitale historique de la Perse).  Rahim en permission grimpe allègrement les marches et bien vite il semble se dissoudre dans ce réseau arachnéen…Escaliers qui ne sont pas sans rappeler les constructions de motifs en deux ou trois dimensions de Maurits Cornelis Escher ou du moins cette structure (dans les deux sens du terme) qui « ouvre » le film nous rappelle que le cinéaste aime prendre au piège à la fois ses personnages et le spectateur dans un échafaudage/écheveau -qui sert aussi de radiographie de la société iranienne (cf Le client, Une séparation, Le passé). Plus tard les rues et ruelles qu’arpente Rahim sont comme des impasses (métaphores des pressions qu’il subit ?).

 

Comme dans « à propos d’Elly » les personnages sous l’effet (ou choc) de « stimuli » sont obligés d'affronter d'une autre manière les contraintes ordinaires …Dans Un héros il y a eu un premier faux pas (Rahim n’a pas remboursé une dette, raison pour laquelle il a été emprisonné) -et il dispose de 48h de permission pour convaincre son créancier de retirer sa plainte contre un versement partiel-, puis il y aura un acte de rédemption (il a rendu les pièces d’or trouvées dans la rue) et enfin la tentative de « restaurer » son image quand il est accusé de mensonge; c'est le "canevas" , ou les trois étapes d'un  "drame" (au sens d'action),  drame  où le "héros"  lutte pour sa dignité bafouée (ce qu'illustrent les dernières  images :   celles du   "citoyen héroïque" - en harmonie avec sa conscience-  qui a rompu avec  le statut  galvaudé du  "héros"  médiatisé) 

On sait que la "réputation est un enjeu très important en Iran"  affirme le cinéaste, d’où l’attention incisive accordée aux organes de diffusion  -télévision et réseaux sociaux- et à l'administration tatillonne.  On peut être adulé -pour son honnêteté- après un passage télévisé puis voué aux gémonies quand la sincérité est frappée de suspicion; et cette "réputation"  affecte toute la famille, le service pénitencier, le rôle d’associations,  organisations caritatives (qui collectent l’argent nécessaire à la libération de prisonniers)

 

Cloisons, portes que l’on coulisse, -ou métonymies de l'enfermement-, vitres et miroirs, plans resserrés dans le logement de la sœur (ou celui de la « promise ») alternance scènes d’intérieur et scènes de rue avec ses grouillements et pétarades, rebondissements, le film est construit comme un thriller au service d’une fable (inspirée d’un fait divers) sur le mensonge et/ou la vérité!

On en vient à douter !! Des mots et des actes identiques : autant de preuves d’héroïsme que de culpabilité ! Rahim s’est-il complu dans l’engrenage de mensonges qu’il aurait créé ? et le sourire arboré n’est-il pas gage de fausseté ? …Fahradi a laissé au spectateur suffisamment d’indices, pour qu’il devienne lui-même enquêteur (à partir d’une mécanique bien « huilée ») et il l’invite aussi à se poser ces questions « cruciales » : un geste généreux est-il forcément suspect?  qu’est-ce qu’une bonne action ? est-ce sa valeur apparente à un instant t ? faut-il prendre en considération les délits antérieurs ? Accepter l’image officielle de l’honnête homme ne participe-t-il pas de la stratégie communicante du pouvoir ? du sensationnalisme des médias ?

 

Et au final le sac (convoité puis restitué) ne serait-il pas (sens cryptique) la métaphore du capitalisme,  dans sa forme contestée contestable  et punitive ?

 

Un film que je vous recommande !

 

Colette Lallement-Duchoze

 

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commentaires

S
Film au scenario magistral ! Et toujours dans ces grands films iraniens la place donnée aux conflits moraux est immense.La fin nous montre que des personnages ordinaires, en apparence, peuvent avoir une grandeur d'âme, un vrai sens de l'héroïsme que notre civilisation occidentale a perdu de vue.<br /> Oui un film riche à voir absolument, avec le plus grand intérêt.
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