de Sara Summa (2019 Italie Allemagne)
avec Canio Lancellotti (‘Renzo Durati) Barbara Verrastro (Dora la fille ) Pasquale Lioi (Matteo le fils ) Donatella Viola (Alice Durati)
Sélection arte kino (festival 6ème édition)
Voter pour vos films - ARTE Kino
L’Italie du Sud, la fin de l’été : la famille Durati vit dans une maison isolée au milieu de l’imposant paysage rocheux. A la fois protégés et coupés de tout, ils sont reliés au monde extérieur par une seule route qui traverse leur plantation d’oliviers. Aujourd’hui, alors qu’ils se préparent à célébrer le mariage imminent de la sœur aînée, le temps passe vite dans cette réalité isolée. Dora, Matteo, Renzo et Alice Durati ne réalisent pas que c’est leur dernier jour en vie.
Fin été 2012 des cambrioleurs s’introduisirent dans la maison des Durati et tuèrent toute la famille.
D’emblée le spectateur est prévenu. Compte tenu de ce « pacte » ou de cette « prolepse » son regard sur les quatre membres de la famille sera comme « altéré » ou du moins mis en alerte (chaque geste du quotidien pourtant banal, questionne, est frappé de suspicion), ou alors tout simplement tout est mis en œuvre pour que le spectateur éprouve de l’empathie envers ces personnages dont il est le seul à partager les dernières heures minutes et secondes ; à un moment Dora évoque au téléphone la soirée passée avec son ami Tommaso « après, on a vu un film d’horreur » il est évident que cette remarque énoncée avec sourire par la jeune fille, aura une connotation particulière pour nous....
La réalisatrice s’est inspirée de Truman Capote : non seulement le titre du film est celui de la première partie du roman De sang-froid, mais elle emprunte aussi le schéma narratif -description/évocation de l’environnement d’abord, puis personnages successivement passés à la loupe- de même qu’elle mentionne certains détails qu’elle transpose dans l’Italie du sud et à une autre époque (le téléphone, le coffret -celui que peaufine le frère – la maladie de la mère - à noter ici que le visage d'Alice renversé sur le lit, filmé en gros plan , avec les cernes et le teint terreux peut s’apparenter au masque de la Mort !!!!
Nous sommes ainsi conviés à assister aux derniers instants.... d’une famille…Et tous les menus détails de leur vie domestique (le père attablé qui épluche une orange, le fils qui lustre le coffret, la fille et sa machine à coudre (robes des demoiselles d'honneur), ou se lissant les cheveux, les petites altercations entre frère et sœur, le benedicite avant le repas, l’autoritarisme du père, un même geste répété mais selon des points de vue différents, le passage fugace de chasseurs, la visite d’un assureur) , tous ces détails "anodins" nous allons les revêtir d’une certaine gravité, celle du "never more" : tel est bien l'enjeu du film!
Nous sommes dans la Basilicate. Une route serpente, ruban immense qui traverse (éventre ?) un paysage aride. rocheux Ce plan revient à intervalles réguliers mais avec des changements de lumière (selon le moment de la journée) de perspective, de direction (on peut voir une éolienne à droite puis à gauche) ; à la toute fin, dans le noir de la nuit, la voiture de Tommaso quitte la propriété des Durati alors qu’une voiture se dirige en sens inverse…. (celle des cambrioleurs annoncés dès le prologue !! la tragédie restera hors champ !)
Les plans au début sont, de l’aveu même de la réalisatrice, (cf entretien sur le site arte kino) assez abstraits : pas de son juste un flux comme la vie qui s’écoule -mais on peut imaginer que ce sont les tueurs qui avancent vers leurs proies!. Et les répétitions inscrites dans ce "décor" particulier (sauvage escarpé désertique ou plus verdoyant) sont comme des "tronçons" temporels qui personnifient ce paysage ,- en font un personnage - La Basilicate : son aridité ET son archaïsme!!!
Un film étrange où la "tension" naît précisément d’un pacte avec le spectateur !
À lui (à vous) de réagir : vacuité d’une telle démarche ? ou interrogation subtile sur la meilleure façon de vivre face à notre fin inéluctable ?
Colette Lallement- Duchoze