de Pedro Almodovar (Espagne 2021)
avec Penelope Cruz, Milena Smit, Israel Elejade, Rossy de Palma
Venise 2021 meilleur rôle féminin: Penelope Cruz
Janis et Ana, deux femmes célibataires et enceintes par accident, sont sur le point d'accoucher. Elles se rencontrent dans leur chambre d'hôpital. Janis, photographe professionnelle, quarantenaire, n'a aucun regret. Ana, encore adolescente vivant chez sa mère actrice, est effrayée. Ces quelques jours à la maternité vont créer un lien étroit entre ces deux femmes.
Une histoire de destins croisés (ou parallèles?) mais surtout une histoire de « mères » (cf le titre). Deux mères que tout semblait opposer (grossesse désirée tardive pour l’une, grossesse subie et précoce pour l’autre, parcours conception et mode vie, attaches familiales) et qui à la faveur de quelques mots échangés à l’hôpital où elles accouchent s’en viendra sceller leur « destin » de manière inattendue.
Mais cette " intrigue" (très « romanesque » avec parfois des renversements de situations qui rappellent la « farce » ou la simple comédie) se « double » d’une autre qui s’inscrit dans l’Histoire du peuple espagnol et qui fait encore débat : rouvrir ou non les plaies de la guerre civile ? déterrer les victimes du franquisme de leur charnier ? Janis est convaincue -d’autant que son arrière-grand-père fait partie de ces victimes. Lambeaux et plaies d’un passé à revisiter et à exhumer, Almodovar semble les faire sien.ne.s en les insérant comme ouverture (tel un exergue, avec une charge contre l’ex-premier ministre espagnol Mariano Rajoy, telle que le « ton » politique est d’emblée donné !) et épilogue (dernière séquence l’excavation), entre ces deux séquences nous aurons assisté au « destin croisé de deux mères » soit une trame politique encadrant une trame plus romanesque ! …. Or, inscrire la « petite » histoire dans la « grande » est devenu un "marronnier" (en littérature comme au cinéma, ) et cette construction (encadrement comme arc-boutant ou clef de voûte) pèche une fois de plus (hormis dans certains docu-fictions) par facticité et facilité !!! Madres paralleles mêle donc maternité, identité et mémoire. Si exhumer les « morts » c’est exhumer la mémoire (et Janis/Penelope Cruz est obsédée par ce travail de mémoire !!!), donner la vie c’est aussi transmettre ….thématique pour le moins éculée de la descendance, des liens du sang !! Et la scène finale de l’excavation sans grandiloquence certes et qui aurait pu émouvoir, ne saurait convaincre tant elle s’inscrit dans la complaisance (avec cette superposition des corps, mariage du présent et du passé…)
La critique est assez dithyrambique : on loue les "couleurs chaudes" la "science du montage" "l'excellent portrait de femmes" etc.. Certes l’interprétation, le rythme (hormis le montage alterné long et systématique au moment de l’accouchement) une certaine densité picturale (aplats de couleurs chaudes et palette plus « impressionniste ») le syllabaire almodovarien et/ou ses thèmes de prédilection (maternité, bisexualité, héritage, éducation, entre autres) sont la marque inviolée du cinéaste.
Mais que de facticité (et de complaisance) : pour ne mentionner que quelques exemples : la confession-soudaine, brutale- de Teresa (la mère d’Ana) à Janis, la cohabitation/rupture entre la mère (Janis) et le « père » (Arturo) comme illustration du contexte politique, présent ou passé (?), la rapidité avec laquelle Ana "récupère" l’enfant -comme un dû-, la mention du viol collectif minimisé par un juge …en "abus sexuel", une certaine "désincarnation" dans « l’incarnation » trop lisible (des rôles du contexte)
Bref une déception à la hauteur d’attentes (qui me semblaient justifiées)
Colette Lallement-Duchoze