6 décembre 2021 1 06 /12 /décembre /2021 05:07

De Süheyla Schwenk Allemagne 2019

Avec Halima Ilter (Hayat) Sükrü Babacan (Harun) Nizam Nahidar (Irfan) Füsun Demirel (Gülsüm)

41ème Festival Prix Max Ophüls: Prix du Jury œcuménique

Festival international du film Entrevues Belfort:  Prix du public pour ce film de fin d’études

 

Sélection arte kino (6ème édition)

 

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Hayat et Harun sont venus à Berlin pour offrir une vie meilleure à leur futur bébé. Ils ont pour seuls bagages une valise et les cauchemars qui agitent les nuits d’Hayat, lui rappelant la Syrie. Une fois dans la capitale allemande ils s’installent chez l’oncle d’Harun, Irfan. Gülsüm son épouse qui n’a aucune envie de partager son quotidien avec une Kurde, harcèle Hayat….

Jiyan

Jiyan (vie en kurde) est un film  de 3ème année, financé par l’Université, tourné en 11 jours par une réalisatrice née en Suède ayant vécu en Turquie et vivant en Allemagne. Etrangère dans un pays inconnu Süheyla Schwenk le fut, elle connaît les préjugés concernant les réfugiés, ceux qu’on désigne comme une masse indifférenciée désincarnée et sans identité. (les immigrés les réfugiés). A travers le destin tragique d’un jeune couple, elle a voulu rendre palpable « ce que c’est d’être invisible ». C’est à ces invisibles qu’elle dédie ce film (cf l'entretien sur le site arte kino)

 

Un film qui débute comme une « romance » : un jeune couple éperdument amoureux, l’attente fébrile de l’accouchement ; MAIS Hayat est doublement étrangère (à Berlin et à la communauté turque) et Gülsüm  (turque) n’est pas en reste pour manifester sa haine ( Hayat un poids encombrant !!.) . Après une embellie : naissance de l’enfant et repentance de Gülsüm, ce sera le drame, une double tragédie. Après  avoir survécu à l'enfer de  la guerre,  Hayat survivra-t-elle à  celui de l'exil ?

Confinés dans un appartement, Hayat et Harun n’ont pas d’existence à, (dans, pour), la Ville ; -les démarches de l’oncle Irfan, le travail au noir qu’on proposera au mari resteront délibérément hors champ. L’appartement devient ainsi la métaphore de l'invisibilité. Invisibles pour les autres,  ils sont animés par cette force intérieure: la  quête d’un « avenir » stable pour l’enfant (dont le prénom Umut est gage d’espoir ); ils doivent passer par les fourches caudines  des démarches administratives (avec cette incompréhension due au handicap de la langue, la "fameuse" barrière linguistique!!! alors que Hayat, motivée,  tapisse fenêtre porte etc. de post-it pour se familiariser avec le vocabulaire dans son apprentissage de la langue allemande)  

Caméra fixe le plus souvent, au plus près des personnages  - ce qu'accentue l'exiguïté des lieux-,  longs plans séquences. Une fenêtre que l’on ouvre pour bien vite la fermer et la voiler de tentures, des sonneries intempestives (intrusion de l’extérieur), des non-dits, des ellipses, la récurrence de ces images de villes dévastée par la guerre (le prologue s’ouvre sur des cris des explosions et des maisons éventrées) qui perturbent les nuits d’Hayat et en écho presque inversé  voici cette unique scène d’extérieur sur le chantier où a travaillé Harun, lieu du devenir et de l'anéantissement ; mais que peuvent une pelletée, des larmes,  des cris qui déchirent la nuit contre la tragédie ? Strates et décombres comme uniques linceuls! 

Le dernier plan -pièce vide, "restes" d’un repas- est presque allégorique ("reliefs" d’une Cène, non-dit de la tragédie) MAIS les vagissements du bébé que prolonge la chanson de l’espoir, insufflent le poème qui clôt le film

Vivre comme un arbre seul et libre

 Vivre en frères comme les arbres d’une forêt

 Cette attente est la nôtre    Nazim Hikmet 

 

Colette Lallement-Duchoze

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