De Jacques Audiard 2021
avec Lucie Zhang, Makita Samba, Noémie Merlant
Présenté en compétition officielle Cannes 2021
Paris 13ème quartier des Olympiades, Emilie rencontre Camille qui est attiré par Nora, elle-même croise le chemin de Amber. Trois filles et un garçon. Ils sont amis parfois amants, souvent les deux
Adaptation de trois nouvelles graphiques de l’auteur américain Adrian Tomine : « Amber Sweet », « Killing and dying » et « Hawaiian getaway ».avec Céline Sciamma et Léa Mysius au scénario,
De l’aveu même du réalisateur (France Inter) les Olympiades serait l’exact inverse de Ma nuit chez Maud. Pourquoi ? Chez Rohmer les personnages parlent toute la nuit, dans les Olympiades on baise d’abord on parle ensuite…Or Jacques Audiard reconnaît « avoir du mal à filmer le sexe » Comment filmer au plus près du « réel » une jeunesse avec laquelle on se sent en décalage ? celle de trentenaires diplômés qui acceptent comme « boulots alimentaires » des jobs aux antipodes de leur formation ? celle apparemment « libérée et libertine » (incarnée par Emilie) mais très respectueuse de certains rites familiaux et au final très sentimentale? celle qui dans les rapports sexuels fait la « part belle » à la femme tout en la confinant parfois dans une attitude « genrée » (Nora décide des positions à prendre, Emilie avoue ex abrupto « j’ai envie de te sucer »)
Et pour le choix du noir et blanc ? « J’avais envie de moderniser ou plutôt urbaniser l'image par le noir et blanc et le 13ème arrondissement s’y prêtait très bien » (Lignes de force saisissantes et possibilités de cadres très variées, reconnaît le chef op) Et de fait des plans (aériens ou en contreplongées) souligneront l’architecture « brutaliste » de ces Olympiades, « ville dans la ville » au cœur du XIII° où le film a été tourné.
Brutalisme et sentimentalisme, deux forces contradictoires ? ou complémentaires ? Quant à l’aspect « social » du quartier il est peu exploré (hormis quelques saynètes en rapport avec le parcours des trois personnages principaux) c’est que l’essentiel se déroule en intérieur…où précisément le noir et blanc va sublimer l’apparent prosaïsme.
La scène liminaire peut intriguer. En fait, n’encode-t-elle pas tout le film? (dans le sens où elle donne la tonalité de l’ensemble, tant pour la forme que pour le fond). Emilie en belle odalisque (une Olympia ?) chante mezza voce en mandarin un micro à la main; mais la voix d’un personnage jusque-là hors champ s’en vient comme anéantir la fugitive douceur qu’illuminait le choix du noir et blanc ; voix de Camille qui propose un …yaourt ! Curieuse alliance: mélancolie drapée dans le blanc de la chair nue et prosaïsme des relations !
Oui le film se déroule telle une comédie légère qui tiendrait du marivaudage (ce que résumerait le pitch) avec toutes les « données technologiques » du XXI° siècle (réseaux sociaux, incrustations de SMS à l’écran, plaisirs tarifés par écrans interposés) ; comédie qui, n’excluant pas le drame (cf passé douloureux de Nora que l’on devine au détour d’un regard d’un silence, par exemple), serait proche des « fragments du discours amoureux » (Barthes 1973)
Dans l’époque actuelle, cette espèce d’amour passion, d’amour romantique, n’est plus à la mode. (…) Ce qui apparaît obscène aujourd’hui, ce n’est pas la sexualité, c’est la sentimentalité affirmait Roland Barthes en 1973 « C’est donc un amoureux qui parle et qui dit ». Cette phrase inaugurale du texte de Barthes pose d’emblée l’idée que le sujet amoureux n’est ni masculin ni féminin : celui ou celle à qui il s’adresse est appelé l’être aimé.
Le choix de personnages si divers dans le film d’Audiard n’est-il pas au final la preuve d’un multiculturalisme accompli ? (Typique du XIII° arrondissement ?) et ce faisant ne peut être que salutaire dans l’ambiance délétère de la précampagne (quand des « candidats » à la Présidence abreuvent le spectateur de propos racistes, via des médias complaisants !!!)
Et -cerise sur le gâteau- leurs interprètes sont des acteurs inconnus (hormis Noémie Merlant) au talent fou !!!
Un film que je vous recommande
Colette Lallement-Duchoze