25 novembre 2021 4 25 /11 /novembre /2021 07:10

de Sharunas Bartas 2020 Lituanie République tchèque, Lettonie 

avec  

Arvydas Dapsys : Jurgis Pliauga,  Marius Povilas Elijas Martynenko : Unte ,  Alina Zaliukaite-Ramanauskiene : Elena Pliaugiene,   Salvijus Trepulis : Deacon,  Valdas Virgailis : Ignas,   Rytis Saladzius : Hook,   Saulius Sestavickas : Tusk

 

Sélection officielle festival de Cannes 2020

 

En 1948, au lendemain de la Seconde Guerre Mondiale, dans un village isolé en Lituanie, alors que la misère ne laisse place à aucune liberté, le jeune Unte et le mouvement des Partisans dans lequel il s’est engagé, doivent faire acte de résistance face à l’emprise de l’occupation soviétique. De cette lutte désespérée dépend l’avenir de tout un peuple.

Au crépuscule

Découvert grâce au festival du cinéma nordique il y a plus de 20  ans -Sharunas Bartas avait d’emblée séduit le public rouennais : intrigue arachnéenne, primat de l’émotion sur la narration, science des cadrages, longs plans fixes contemplatifs, admirable beauté formelle. (Corridor, Few of us, the House, Freedom, Seven invisible men)

 

Avec   Frost  2018,  il nous avait entraîné dans les coulisses de la guerre (Ukraine Donbass) . Au crépuscule  (son dixième long métrage) poursuit ce travail sur la guerre et surtout  sur l’impérialisme russe.  L’action se situe dans un village reculé de la Lituanie occupée par les Russes (après l'avoir été par les nazis) . Et plus particulièrement dans la forêt dont les premiers plans font éclater les arcanes : espace à la fois hostile et hospitalier ; c’est là dans ses bruissements ses replis ses anfractuosités que, terrés, se réfugient les résistants ; résistants dont les visages (lent travelling latéral et très gros plans) muets ou silencieux semblent regarder vers un ailleurs (s’ils nous regardent nous ne pouvons capter leur regard) ou être à l’écoute d’une force intérieure.

 

Le film obéit à un mouvement de va-et-vient, d’aller-retour entre ce « camp » et le village, allers et retours qu'accomplit régulièrement Unte  (nous le découvrons  au moment de  ses ablutions dans un plan-séquence digne d’un tableau de maître),  il vit avec son  "père"  Jurgis Pliauga -propriétaire terrien et complice des résistants-,  père dont le visage souvent filmé en gros plan rappelle la  "trogne" des personnages de Rembrandt.

 

Les scènes d'intérieur   avec leurs  clairs obscurs -halos et frémissements de la bougie- seront traitées  telles des peintures, alors que le vert et le gris dominent pour les scènes extérieures (couleurs crépusculaires par essence). Mais  à chaque fois s'impose la  science du cadrage (souvent plan moyen puis élargissement du champ) de la répartition des couleurs ,de la lumière, de la position du personnage dans l'espace, cette  maîtrise plastique incontestée à laquelle  Sharunas Bartas nous a  habitué.e.s

 

Le constat est tragique, sans appel. L’ennemi, l’occupant russe, bafoue en les violant toutes les lois du " vivre ensemble",   on  soudoie suborne torture (les contrastes entre le visage tuméfié, les corps qui se tordent de douleur et la froide impassibilité des tortionnaires est éloquente) on dépossède les paysans de leurs terres dans un contexte de pauvreté extrême. Mais la violence est aussi du côté des  "résistants" qui exécutent les traîtres ou supposés tels, quand ce n’est pas le  "chef" , le traître suprême.

 

Une période noire de l’histoire de la Lituanie et la mort en héritage (sens du titre?) . Les très gros plans sur les mains (celle du fils qui caresse celle de son père agonisant, celle du résistant qui rejoindra la femme aimée dans l’étreinte métaphorique de la mort), sont comme la signature d’un ici-bas à reconquérir.

Le film est aussi récit d’apprentissage : le jeune Unte à partir de révélations (la confession douloureuse du "père") d’interrogations  face à la cruauté du monde, perd son innocence et ses illusions- , et -à travers  ce jeune homme précisément-  Au crépuscule  est comme la mémoire de la Lituanie, un pays meurtri qu’on a dépossédé de …la vie

Mémoire qu’accompagne la plainte musicale de la violoncelliste Gabriele Dikciute sur une création de Jakub Rataj.

 

Au crépuscule

Un film à ne pas rater !

 

 

Colette Lallement-Duchoze 

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