Premier long métrage de Maxime Roy (2020)
avec François Créton (Michel), Roméo Créton (Léo) , Richard Bohringer (Claude), Ariane Ascaride (Josiane) Patrick D’Assumçao (Jean-Pierre) Clotilde Courau (Hélène)
Présenté au festival de Cannes 2021 Sélection officielle, séance spéciale
Michel ancien junkie, est un éternel gamin qui ne rêve que de motos et traine avec son grand fils Léo et ses copains. À cinquante ans, il doit gérer le bébé qu’il vient d’avoir avec son ex, et se bat pour ne pas répéter les mêmes erreurs et être un mec bien.
"je ne suis pas un gars propre"
La scène d’ouverture donne le ton : voici Michel filmé de très près de profil ou de trois quarts ; dans un long monologue, il évoque avec une violence contenue et une certaine force persuasive, ses démons intérieurs, son combat quotidien et cette farouche volonté de s’en sortir (Je ne suis pas un gars propre). Les autres visages, à l’écoute, sont comme floutés et quand le plan s’élargit on comprend qu’on assistait à une réunion des AA (Alcooliques anonymes) ce lieu de la solidarité et de la thérapie (même si la « liturgie » rappelle une "grand messe" où l’on supplie en l’invoquant un dieu tout puissant)
Michel, biker, ex junkie, identifiable avec sa maigreur, ses tatouages, ses bagues, ses boucles d’oreille, sa façon de chevaucher sa Harley, arbore sur son blouson l’inscription "loser" : auto dérision ? ou tout simplement grande lucidité ? C’est que le fardeau est lourd à porter et ce d’autant plus qu’il sort d’une longue période d’addictions ! Père, Michel l’est deux fois : à plus de 50 ans il doit assumer la garde alternée de son bébé -et les allées et venues entre sa cave/logement et l’immeuble où réside Hélène (formidable Clotilde Courau) ressemblent aux étapes d’un chemin de croix. Quant au fils aîné Léo -qui aime le titiller avec la chanson Kid d’Eddy de Pretto -« virilité abusive »-, il incarne la connivence la complicité à condition que Michel ne "rechute" pas dans la drogue et l’alcool ; un fils qui « porte » le père. Tout comme Michel d’ailleurs va "porter" son propre père mourant (Richard Bohringer excellent de sobriété et de justesse). Une vie en rupture totale avec ses habitudes d’antan. N’est-ce pas là une forme d’héroïsme ?
Le film construit sur une succession -au rythme souvent rapide- de scènes de galère (inondation de la cave par exemple; cartons que l'on emballe à l'instar de lambeaux de vie empaquetés, froidure et de jour et de nuit) dans un décor d’entre deux (une périphérie ? où subsisteraient des vestiges du passé ?), est aussi un film d’apprentissage (et pas seulement au sens de formation technique) : le quinquagénaire est sommé de "grandir" (recommandations formulées même par sa belle-mère). Se « guérir » définitivement du syndrome de Peter Pan…. !!!
(Notons qu’à plusieurs reprises , le visage de Michel dans un cadre rapproché, est auréolé de lumière, signe patent de la métamorphose, liée au passage des ténèbres vers plus de clarté ?)
L’acteur qui est de tous les plans, pourra agacer par ses postures son verlan ses refus de gamin ses sautes d’humeur. Et pourtant…que d’humanité et de bienveillance, même dans le désespoir !
Mêlant réel (le réalisateur s’est inspiré du vécu de François Créton) et imaginaire (Michel n'est pas François), docu et fiction, acteurs professionnels et amateurs, ce film nous présente des "héros", ces invisibles qui luttent au quotidien contre la maladie la pauvreté l’isolement et en ce sens il peut rappeler Ken Loach ou Guédiguian (mais....sans la maîtrise ni l'humour du premier)
A voir !
Colette Lallement-Duchoze