Long métrage d'animation réalisé par Florence Miailhe 2020 (France Allemagne République tchèque)
scénario et dialogues Marie Desplechin et Florence Miailhe
Mention du Jury festival d'animation Annecy 2021
Un village pillé, une famille en fuite et deux enfants perdus sur les routes de l’exil... Kyona et Adriel tentent d’échapper à ceux qui les traquent pour rejoindre un pays au régime plus clément. Au cours d’un voyage initiatique qui les mènera de l’enfance à l’adolescence, ils traverseront de multiples épreuves, à la fois fantastiques et bien réelles pour atteindre leur destination
Le film s'ouvre sur un plan de l'atelier de la réalisatrice. « Toute ma vie j’ai dessiné ».
Un cahier de dessins reconstitués comme fil narratif ? Fil qui assemble unifie ou juxtapose (avec la voix off de Florence Miailhe) passé et présent, réalité et fiction, immersion et distanciation. L’animation comme prolongement du souvenir ? La réalisatrice dit en effet s’être inspirée de l’histoire de ses grands-parents, juifs ukrainiens fuyant les pogroms, de sa mère -peintre- fuyant le nazisme avec son frère (elle leur rend hommage dans le générique de fin).
Périple mémoriel donc. Mais en reliant cette histoire aux déplacements de population actuels, Florence Miailhe « raconte la permanence de l’histoire des migrations
Couple chagallien (cf l'affiche) univers aux couleurs du fauvisme, forêt magique, vagues puissantes aux stries expressionnistes, la traversée, film de peinture animée -sur plaque de verre directement sur caméra-, évoque le parcours de deux jeunes exilés, Kyona et Adriel, migrant dans une Europe imaginaire
Alors que les épreuves endurées par le frère et la sœur, sont souvent traumatisantes, la réalisatrice ne verse jamais dans le misérabilisme. Le sordide est tempéré par le refus du manichéisme, (« la vie, c’est gris. Si tu veux t’en sortir, il faudra que tu arrives à voir en gris » recommande la patronne du cirque ! ), par l’humour, l’ironie, (cf la riche famille d’accueil corsetée dans ses principes de formatage à tout prix, évoluant dans une maison au rouge criard, rouge sang des ogres prédateurs qui contrastera avec le noir des costumes standardisés des invités, un noir satanique). Un trait -qui emprunterait plutôt au dessin ou à la gravure-, la valse des couleurs (de l’ocre au gris-vert en passant par le rouge sanglant et le blanc; couleurs en harmonie avec la tonalité de chacune des étapes ), les brouillages et métamorphoses des paysages, la récurrence du passage des volatiles (pie tutélaire) et de la thématique de la liberté (perroquets aux couleurs chamarrées délivrés des barreaux captifs, capes des "enfants voleurs" métamorphosées en ailes, trapéziste qui prend son envol) la connivence avec les animaux, tout cela atténue -mais sans le dénaturer- le tragique du parcours des deux orphelins (victimes entre autres de trafic d’enfants)
La longue marche de ces naufragés des routes est aussi un voyage initiatique : c’est le passage de l’enfance à l’adolescence : on retiendra cette scène à la fois onirique et réaliste où Kyona se découvre nubile)
Un conte intemporel, certes mais ancré dans le réel! la réalisatrice souhaite que "les spectateurs puissent se reconnaître dans l’histoire, qu’ils puissent y trouver leur passé, celui de leurs parents, de leurs grands-parents. Ce n’est pas nouveau ces migrations, elles font partie de l’histoire de l’humanité. Ce film rassemble vraiment toutes ces épopées qui vont de Moïse à nos jours »
Un bémol toutefois : le systématisme du schéma narratif et celui plus tendancieux de l'universalisme
Colette Lallement-Duchoze