de Catherine Corsini (2021)
avec Valeria Bruni Tedeschi, Marina Foïs. Pio Marmaï , Aïssatou Diallo Sagna, Jean-Louis Coulloc'h
présenté au festival de Cannes 2021
Raf et Julie, un couple au bord de la rupture, se retrouvent dans un service d’Urgences proche de l'asphyxie le soir d'une manifestation parisienne des Gilets Jaunes. Leur rencontre avec Yann (Pio Marmaï), un manifestant blessé et en colère, va faire voler en éclats les certitudes et les préjugés de chacun. À l'extérieur, la tension monte. L’hôpital, sous pression, doit fermer ses portes. Le personnel est débordé. La nuit va être longue…
Le titre n’est pas anodin. Il frappe tout d'abord par son évidente polysémie (fracture de l’amour incarné par le couple Raf et Julie, fracture sociale illustrée par la lutte de classes, le sort d’un routier blessé, fracture politique: gestion lamentable du service public et outrecuidance du service d’ordre) mais il invite en outre à différencier une lésion (fût-elle impressionnante à l’image du bras de Raf) d’une cassure ; la fracture se situant dans un entre-deux, avant une rupture définitive ; en s’insinuant dans le domaine "médical" ou "chirurgical" le film va procéder à une sorte de radiographie d’une société à un instant T -un des plus dramatiques- de son histoire (de même que des radiographies seront exigées avant opération éventuelle de la jambe de Yann, ou du bras de Raf). Derrière les plâtres (et là encore que de connotations !!) du service des urgences saturé, apparait en filigrane l’image d’un pays qui boîte…Pourra-t-il se relever ?
C'est la nuit. Ecran noir ronflements, respirations bruyantes ; et soudain une lumière!!! Celle de l’écran d’un portable...Gros plans sur les Sms incendiaires vulgaires. Voici un couple de femmes, l’une l'amante trop aimante va se "fracturer" le bras en courant vers l’être aimé qui a décidé de "rompre" définitivement… C’est la séquence d’ouverture. Un chauffeur routier fier de participer à la manifestation des gilets jaunes se fait violemment tabasser et sa jambe est "explosée" par une grenade d’encerclement…A partir de ce moment un lieu unique : celui des "urgences", du "confinement" où se retrouvent tant les manifestants blessés que les patients aux différentes pathologies. Une infirmière (excellente Aïssatou Diallo Sagna) y exerce son métier avec dévouement (alors que gronde en elle une forme de révolte, prémices d’une fracture voire d'une cassure ). Tels seront les protagonistes principaux de ce huis clos.
Un huis clos qui tient de la cour des miracles et de la tragédie. Patients entassés en attente de... , personnel soignant (qui exerce alors qu'il est en grève) débordé (c'est un euphémisme), pénurie de médicaments, la liste serait longue! La caméra virevolte au gré d'un rythme échevelé, tout comme bouillonnent les esprits. C’est la chienlit. A la bataille en extérieur (qui entre comme par effraction via les écrans des portables et des téléviseurs) répond la bataille en interne (un lieu qui se fissure -sens propre et figuré-, des patients à bout de nerfs, des dysfonctionnements qui s’ils ne correspondaient pas à une réalité susciteraient le rire.., la lutte de soi avec soi, la lutte de soi avec l’autre). Des situations hilarantes (dignes de la meilleure comédie) côtoient le tragique….
Valérie Bruni-Tedeschi en amante éplorée insupportable (une "chieuse" ) est tout simplement épatante, de même Pio Marmaï en routier anti-sympa à la grande gueule (même s’il éructe des clichés et force un peu le trait) est hilarant. Il convient de saluer Aissatou Diallo Sagna, véritable aide-soignante qui interprète …..son propre rôle
On pourra déplorer l’insistance complaisante de certains gros plans (jambe explosée de Yann, visage tuméfié), la longueur de la scène "prise d’otage" (un patient qui aurait dû être hospitalisé en psychiatrie veut se venger sur Kim) l‘artificialité de certaines rencontres (Julie, interprétée par l’excellente Marina Foïs et Laurent) comme prétexte (fictionnel bien évidemment) à l’intrusion d’un passé revisité et au questionnement sur le devenir !!
Cela étant La fracture n’en reste pas moins un film qui détonne et détone tout à la fois
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Colette Lallement-Duchoze