d'Aleem Khan (Grande-Bretagne, France 2020)
avec Joanna Scanlan, Nathalie Richard, Talid Ariss
Prix Fondation Gan festival de Cannes 2021
Ville côtière de Douvres au sud de l’Angleterre. Mary Hussain, après le décès inattendu de son mari, découvre qu’il cachait un secret à seulement 34km de l’autre côté de la Manche, à Calais.
Blanche la tenue de deuil de Fahima /Mary , blanc crayeux ces pans de falaises qui s’écroulent, bleu- vert l’étendue de cette eau qui sépare l’Angleterre de Calais….il aura suffi de quelques plans à valeur ô combien symbolique pour comprendre qu’ "after love" n’est pas du tout le mélodrame que suggérait plus ou moins le pitch ! ébranlement intérieur, deux rives, deux femmes, deux cultures, deux destins que le film va ré-unir
Fahima -qui s'était convertie à l'islam pour épouser Ahmed- vient de perdre brutalement son mari (une courte scène inaugurale où il sera filmé en profondeur de champ avant de disparaître définitivement du champ de la caméra); un mari dont la "présence absente" hantera tout le film (incarnation du mensonge, souvenirs, passé revisité, voix enregistrée ). Après la découverte d’un "secret" la "veuve" va faire l’apprentissage de la "duplicité". Et ce, dans le silence de la douleur muette. Elle parvient à se faire engager comme femme de ménage au service de la maîtresse de feu son mari… à Calais. Elle est à l’affût d’indices, à l’écoute du fils, un fils révolté contre sa mère et qui vit dans l’attente d’un père adulé idéalisé …Ahmed l’époux l’amant le père ! Ahmed et le mensonge. Sur " quels faux semblants" s’est donc construite une relation amoureuse ? Comment y survivre?
After love ou l’itinéraire d’une "reconstruction"
Le film obéit à un schéma circulaire : à la cérémonie funèbre du début répond en écho inversé celle d’un baptême. Au plan initial sur les falaises correspond un plan prolongé sur ces mêmes falaises…mais libérées du séisme de l’ébranlement inaugural
Circularité et figure du triangle : deux femmes et un fils. Deux femmes blessées un fils provocateur et révolté. La parole dans un premier temps est refoulée par la hantise d’avouer : Fahima à Geneviève qu’elle est l’épouse ; Geneviève à son fils que le père est marié outre-Manche, le fils, qu’il vit mal son homosexualité. Après la "révélation", l’alternance violences verbales et physiques, le déni, c’est avec le passage sur l’autre rive, la "réconciliation", celle du passé et du présent, celle avec soi-même (?) (qui rappelle la catharsis dans la tragédie antique).
En s’interrogeant avec un mélange de délicatesse et de rage contenue sur les notions d’identité, de sacrifice, sur la maternité aussi, After love célèbre les multiplicités d’appartenances culturelles
Un film à voir assurément !
Colette Lallement-Duchoze