de Julia Ducournau (France 2020)
avec Agathe Rousselle, Garance Marillier, Laïs Salameh, Theo Hellermann, Vincent Lindon
Palme d'Or festival Cannes 2021
Deux âmes mortes se croisent. Alexia danseuse aux instincts meurtriers une plaque de titane greffée à la tempe depuis un accident. Et Vincent pompier vieillissant qui se gonfle à la testostérone, ravagé par la disparition de son fils dix ans plus tôt
« Merci au jury d’avoir reconnu le besoin avide et viscéral d’un monde plus inclusif et plus fluide, Merci de laisser rentrer les monstres » ainsi s'exprimait la réalisatrice lors de la remise de la Palme d'or à Cannes
C’est sous la plaque de titane (prothèse qu’Alexia porte sur le côté de son crâne suite à un accident de voiture alors qu’elle était enfant) et dans tout son corps que se tapirait le monstre ? Le monstre comme séquelle, syndrome post traumatique ? Alexia est une serial killeuse (l’arme fatale ? son épingle à cheveux), Alexia est amoureuse de voitures (elle fait même l’amour avec une Cadillac et… sera enceinte. Monstruosité ?)
La tonalité noire et organique est donnée dès le premier tableau : une musique surdimensionnée – et cela vaudra aussi pour tous les bruitages du film- accompagne l’exploration méthodique, en très gros plans, de tous les mécanismes, rouages cachés d’une voiture, aux couleurs noirâtres (un liquide de la même couleur et aussi gluant, Alexia l’éjectera de son corps…)
On est sous le capot.
La "comédie noire" peut commencer
Elle débute par un "crash" (on pense forcément à Cronenberg). Puis nous serons témoins - au cours de séquences au traitement inégal-, de toutes les « mutations » voulues par ou infligées à Alexia jusqu’à la rencontre avec Vincent (chef des pompiers) et une prise en charge (réciproque d’ailleurs)
Puisque le mot titane a été donné par son découvreur en référence aux géants de la mythologie grecque, osons une approche fondée sur la dynamique Eros-Thanatos (certes souvent galvaudée); et d'ailleurs toute la mythologie antique regorge d’histoires d’épouvantes. Alexia personnage en quête d’amour par la mort ? ou de la mort par amour ? à travers les transfigurations de sa peau (scarifiée ou mangée), dans un corps de stripteaseuse dédiant la voluptueuse chorégraphie de ses fesses aux regardeurs-voyeurs libidineux alors que précisément elle ne peut s’accoupler qu’avec les formes rutilantes de désir d’une voiture et jouir dans l’habitacle d’Eros, puis plus tard en changeant de « peau » (de « genre »de « personne ») en maquillant les « formes » (récurrence presque lassante de cette scène de strapping), elle est toujours en quête d’une identité hors de tous les préceptes normatifs ; et le capitaine des pompiers d’abord tenté par Thanatos (pulsions suicidaires), devient -par son humanité et la grâce retrouvée- le chantre d’Eros...
De la tôle froissée et en écho le visage fracassé (pour ressembler au fils disparu), des corps abîmés (les bleus sur les fesses de Vincent, père vieillissant accro à la testostérone) du gore mêlé au fantastique, du fantastique qui flirte avec le réel, beaucoup de « poncifs visuels » (dont celui de l'embrasement) et de complaisance (jusqu’au tatouage « love is a dog from hell » de Bukowski) et que dire de cette scène de danse(s) chez les pompiers filmée au ralenti censée dénoncer une forme de masculinité (?) ou de l’accompagnement musical La passion selon saint Matthieu de Bach?
Cela étant, l’interprétation des deux acteurs principaux est sidérante de justesse !
Hétéroclite, protéiforme, (gore, horrifique, naturaliste et fantastique), hyper référencé, ce film peut susciter l’apologie de ses thuriféraires autant que la diatribe de ses détracteurs, mais aussi des réactions plus mitigées (dont la mienne)
Colette Lallement-Duchoze
Découvrez Junior un court métrage de cette réalisatrice sur la chaîne You Tube d'UniFrance jusqu'au 21 août 2021 (court métrage sélectionné à la semaine de la critique en 2011)
"Julia Ducournau y explore le côté horrifique de la puberté en se frottant aux bouleversements physiques et psychiques de l'adolescence et à la métamorphose du corps sur un ton qui oscille entre comédie et fantastique"
WATCH Cannes Palme d'Or winner Julia Ducournau's first short film "Junior" - YouTube