Premier long métrage de Chloé Mazlo (France, Liban Italie 2020)
avec Alba Rohrwacher, Wajdi Mouawad
film sélectionné à la 59ème édition de la Semaine de la Critique (festival de Cannes 2020) et présenté au festival du film francophone d'Angoulême 2020
Dans les années 50, la jeune Alice quitte la Suisse pour le Liban, contrée ensoleillée et exubérante. Là-bas, elle a un coup de foudre pour Joseph, un astrophysicien malicieux qui rêve d’envoyer le premier Libanais dans l’espace. Alice trouve vite sa place dans la famille de ce dernier. Mais après quelques années de dolce vita, la guerre civile s’immisce dans leur paradis...
Je veux parcourir avec vous le chemin qui mène au ciel
En s’appuyant sur l’histoire de sa grand-mère, la réalisatrice décrit le bonheur puis la dislocation d’une famille ; Sous le ciel d’Alice est moins un film sur la guerre civile qui a éclaté au Liban en avril 1975 que sur le désenchantement
Alice est sur le bateau qui la ramène du Liban en Suisse -ce plan reviendra à intervalles réguliers comme pour scander la narration- ; elle écrit, elle s’adresse à son mari, elle dit son désarroi en même temps qu’elle revit la période enchantée depuis son départ de sa Suisse natale en 1955, son arrivée au Liban, la rencontre avec son futur mari, la naissance de leur fille, puis la guerre
Pour illustrer son passé lumineux la réalisatrice utilise à la fois des images d’animation (stop motion) et des prises de vues réelles (même si le film a été tourné à Chypre pour les extérieurs et en studios pour les intérieurs). Le ton est léger les couleurs celles d’un conte naïf . Ces "écarts" iront s’atténuant à mesure que s’installe l’angoisse due à la tourmente de la guerre. Ecarts que d’aucuns vont certainement fustiger…dénonçant le décalage entre la légèreté -de la forme- et le tragique du contenu. Dissonance ? On sait le débat frappé d’inanité (depuis le Castigat ridendo mores jusqu’au film de Benigni la vie est belle en passant par les aphorismes de Montesquieu et plus tard de Nietzsche). Ecoutons la réalisatrice « je ne voulais pas nier les drames, la violence mais il m'importait de les évoquer avec cette retenue teintée d'humour que m'avait transmise ma famille. Avec ce récit, la mixité des techniques prenait tout son sens et j’ai décidé d’utiliser le stop motion quand cette technique était nécessaire comme un effet spécial …(cf le dépliant mis à votre disposition dans le hall de l’Omnia)
Alice aura été plus que séduite par un pays chaleureux et joyeux, le Liban (On a du mal à comprendre pourquoi on tombe amoureux d’un pays qui n’est pas le nôtre. commente la réalisatrice) Dès lors ses réticences quand sa fille décide de rejoindre son amoureux en France ou quand son mari, pour la protéger, l’exhorte à retourner en Suisse sont tout à fait justifiées !!!
Chloé Mazlo -qui a la double nationalité française et libanaise- dédie au pays de ses ancêtres, le Liban, un hymne vibrant de couleurs de fragrances et de musique. Mélange heureux de poésie (son film a parfois les allures d’un conte) de théâtre (les deux personnages principaux interprétés par Alba Rohrwacher et Wajdi Mouawad semblent évoluer sur une scène dans le minimalisme de leurs paroles et de leurs gestes et le refus du "naturalisme") et de danse (entendons que la guerre elle-même si elle est chorégraphiée n’en élude pas moins la force incommensurable de la solidarité et de l’hospitalité)
Un film que je vous recommande
Colette Lallement-Duchoze