de Georgis Grigorakis Grèce 2020
avec Vangelis Mourikis, Argyris Pandazaras, Sofia Kokkali, Theo Alexander
Présenté dans la section Panorama Berlinale 2020.
En sélection officielle au festival premiers plans d'Angers 2021, il a obtenu le prix des activités sociales de l’énergie
Quelque part au nord de la Grèce, à la frontière de la Macédoine. Nikitas a toujours vécu sur son bout de terrain au cœur de la forêt. En lutte depuis des années contre une compagnie minière qui convoite sa propriété́, Nikitas tient bon. Le coup de grâce tombe avec le retour de Johnny, son fils qui, après vingt ans d’absence et de silence, vient lui réclamer sa part d’héritage. Nikitas a désormais deux adversaires, dont un qu’il ne connaît plus mais qui lui est cher.
Un homme seul, sur un promontoire rocheux ; vu en légère contre plongée ; de son langage particulier il s’adresse à cette vaste nature qu’il surplombe et dont il est partie intégrante. Lui c’est Nikitas. Elle c’est la forêt jusque-là indomptable source d’énergie -et le réalisateur nous la présentera dans sa saison pluvieuse automnale, sans les atours dont les clichés touristiques parent habituellement la Grèce-. Une forêt que la logique capitaliste du rendement tend à faire disparaître. Et si nous voyons Nikitas dégager la boue c’est à la fois pour dénoncer les risques mortifères de l’embourbement et pour opposer les forces inégales en présence -un homme seul contre les excavatrices géantes. David contre Goliath ? Un énième combat perdu d’avance ?
Nikitas doit aussi lutter sur un autre front. Un combat avec son fils (de retour après 20 ans d’absence celui-ci vient réclamer sa part d’héritage et qui plus est, il travaille pour cette compagnie qui a jeté son dévolu sur la propriété du père). Une relation faussée, mais sa mise en perspective avec le premier combat crée le suspense et aussi la dynamique du film
Deux hommes, deux générations, deux points de vue. On s’épie, on se hait, on se traque, on se confie aussi (le spectateur apprend ainsi par bribes les raisons de l'exil du père, de sa volonté inébranlable de sauver ses terres, de ses échecs familiaux aussi)
Ce film qui privilégie les ambiances (cf les séquences au bistrot aux allures de saloon, les face-à-face père-fils à la cuisine ; le gigantisme des excavatrices dans leur tornade métallique) et les sons (bruissements de la forêt, ruissellements des pluies diluviennes, pétarades de la moto, bruits du chantier) est sous-tendu par la dichotomie destruction-reconstruction. Destruction programmée de l’espace vital, reconstruction du lien père-fils.
L’acmé étant cette vue en plongée du père embourbé dont le corps quitte progressivement le sol alors que le fils affolé tente de le sauver…. Comme les hôtes de la forêt ils ont réussi à communiquer par un langage celui des survivants, celui que l’on se transmet de génération en génération et qui vibre d’échos feutrés ou diffractés
A noter l’ambigüité (délibérée ? ironique ?) du "monstre" ! Car cette excavatrice (digger) est capable de détruire (métaphore du capitalisme prédateur) mais aussi de sauver (elle va consolider les liens père/fils ???….)
Colette Lallement-Duchoze