de Mia Hansen-Løve (France Suède G-B) 2020
avec Tim Roth, Vicky Krieps, Mia Wasikowska, Anders Danielsen Lie, Joel Spira, Gabe Klinger
Sélection officielle Cannes 2021
Un couple de cinéastes s'installe pour écrire, le temps d'un été, sur l’île suédoise de Fårö, où vécut Bergman. À mesure que leurs scénarios respectifs avancent, et au contact des paysages sauvages de l’île, la frontière entre fiction et réalité se brouille…
Aucun art ne traverse, comme le cinéma, directement notre conscience diurne pour toucher à nos sentiments, au fond de la chambre crépusculaire de notre âme (Ingmar Bergman)
Le film de Mia Hansen-Løve illustrerait-il ces propos ?
Un constat s’impose: la cinéaste évite la lourdeur référentielle que pouvait induire le titre : Bergman est certes présent, tel un fantôme, telle une empreinte ; (et vers la fin Chris pénétrera émerveillée dans la bibliothèque sise à Lauter, mais elle est guidée par d’autres motivations que la vénération …) On se moque de l’engouement idolâtre ou de la récupération touristique et c’est l’île en tant que paysage/personnage qui sera inspirante plus que le monstre sacré du Cinéma
Mia Hansen-Løve invite le spectateur à s’immerger dans le processus créatif -écriture du scénario-, à se questionner sur sa corrélation et/ou son interdépendance avec le vécu, à travers le couple Chris/Tony. En écho, (cf. l’affiche) il y a le film dans le film (le scénario de Chris- du moins jusqu’à l’épilogue sur lequel elle butte- est mis en images, incarné par le couple Amy/Joseph) avec d’inévitables échos intérieurs et/ou spéculaires :Amy double de Chris en tant que femme et réalisatrice, Chris elle-même double de Mia Hansen-Løve (?). Double mise en abyme donc
Un tel procédé n’est certes pas original mais ici la fluidité du processus, -le passage du "réel" à la "fiction" et peut-être leur fusion-, la "désacralisation" de l’icône du cinéma nordique (cf le Bergman safari ou certaines réflexions de touristes) et surtout l’interprétation (Vicky Krieps/Chris et Mia Wasikowska/Amy) imposent une élégance, celle qui se prête aux " intermittences du cœur "
Et pourtant !!!
Le début apparemment anodin (avion voiture bateau installation sur l’île de Fårö) contient en filigrane ce qui sera plus amplement développé. Chris ne "supporte" pas les turbulences de l’avion ; dans la voiture se superposent à un moment deux voix (guide GPS et appel téléphonique destiné à Tony cinéaste très sollicité), Chris s’isole dans le moulin pour écrire, elle ne participe pas au safari, préfère découvrir l’île à bicyclette, autant d’indices qui balisent le voyage intérieur de cette femme tourmentée par ses propres "turbulences" : affres de la page blanche, remises en question (que la cinéaste suggère …) Le génie des lieux sera-t-il inspirant ? Chris/Tony un couple en sursis ? en survie ? l’absence de communication authentique réduite à des "chuchotements", tant elle est parasitée par un trop-plein de communication extérieure ? (cf. le rôle majeur du téléphone portable comme élément perturbateur…)
Mais cette première "partie" malgré d’évidentes qualités formelles (et particulièrement les lumières de la Baltique) souffre de longueurs évidentes ; alors que la seconde histoire qui alterne passion déraison, illusion et désillusion, celles des amours passées ressuscitées et jamais abolies, (du moins pour un des protagonistes) emporte par sa fraîcheur et sa légèreté, sublimées par le jeu des deux acteurs Mia Wasikowska et Anders Danielsen Lie
Colette Lallement-Duchoze