De Byambasuren Davaa (Mongolie Allemagne 2020)
Avec Bat-Ireedui Batmunkh, Enerel Tumen, Yalalt Namsrai, Algirchamin Baatarsuren, Ariunbyamba Sukhee, Purevdorj Uranchimeg, Alimtsetseg Bolormaa, Unurjargal Jigjidsuren
En Mongolie, le père d’Amra, chef des derniers nomades, s’oppose aux sociétés minières internationales à la recherche d’or dans les steppes. Après sa mort dans un tragique accident, son fils entreprend de continuer son combat mais avec les moyens d’un garçon de 12 ans…
Plaines immenses, montagnes à l’horizon, îlots de verdure, terre poudreuse, tels sont les paysages que traverse Erdene à bord de sa « Mercédès » rouge (séquence d’ouverture) Mais les mottes de terres, les bossèlements et les trous qui défigurent une beauté naturelle ne sont-ils pas des stigmates, écorchures de douleur provoquées par les engins excavateurs ? Un paysage lacéré dans sa permanence séculaire et tutélaire mais aussi (et c’est bien pire) voici que toute une vie aux rythmes très précis risquerait de disparaître....
Quand le dernier filon d'or aura été tiré de la terre, le monde tombera en poussière
Quand l’enfant est à l’école, la mère s’occupe du troupeau de chèvres et de la fabrication de fromages (la répétition des mêmes gestes la cinéaste la filme sous des angles différents tout en opposant la compacité du troupeau -vu en frontal ou en plongée- à l’individualité du personnage féminin). Mécanicien, le père milite aussi pour la préservation des terres ancestrales ; or son militantisme se heurte au pragmatisme de sa femme et à celui de ses congénères (pressions et misère les contraignent à signer leur avis d’expropriation)
Et pourtant le film ne verse pas dans la facilité du manichéisme. Pourquoi ? en optant pour un mélange de documentaire et de fiction et en adoptant le point de vue de l’enfant, la cinéaste met en exergue nuances et complexité tout en dénonçant les effets pervers de l’exploitation effrénée des richesses aurifères. Et la narration obéit à une dynamique interne scandée en deux mouvements
Dans un premier temps, Amra, tout en respectant les traditions transmises par le père (et la scène récurrente de l’arbre aux prières et aux khatags le prouverait aisément) rêve d’un ailleurs dont le concours de chant ouvrirait les portes. Le combat des adultes ne l’intéresse pas ; technologies modernes - téléphones portables- et traditions font bon ménage. Une première partie placée sous le signe de l’insouciance de la sérénité (hormis certains propos échangés entre les époux concernant un .... déménagement). La mort du père, et le sentiment de culpabilité font voler en éclats ce rêve ; et c’est aussi l’enfance d’Amra qui à jamais s’effrite. Scènes plus ténébreuses à l’instar de ces descentes au fond de puits : délaissant l’école l’enfant aide les ninjas -ces mineurs clandestins- lui le nouveau « père » doit subvenir aux besoins de la famille. La dernière partie du film jouerait-elle le rôle d’épilogue ? Certes le « triomphe » d’Amra (à la télévision) est étroitement lié à son interprétation de la chanson « les rivières d’or ». Mais les paroles « l’or est un puits de souffrance » n’ont-elles pas une résonance particulière pour qui a en subi les douleurs torturantes dans sa chair ?
Sa voix emplit l’espace sonore alors que …. sur cette « terre gorgée d’or », défilent des images d’excavateurs !!
Une fable émouvante qui s’adresse à tous les publics -dont les enfants
Un film qui allie contemplation et dénonciation
Un film qui frappe par la maîtrise des cadrages et des ambiances (pour exemple, le traitement des scènes à l’intérieur de la yourte dont les éclairages et clairs obscurs évolueront en fonction de ce voyage intérieur )
Colette Lallement-Duchoze