28 juin 2021 1 28 /06 /juin /2021 07:01

Documentaire réalisé par Hassen Ferhani (2019) Algérie, France, Qatar

En plein désert algérien, dans son relais, une femme écrit son histoire. Elle accueille, pour une cigarette, un café ou des œufs, des routiers, des êtres en errance et des rêves. Elle s'appelle Malika

143 Rue du Désert

Le sable qui envahit presque tout l’espace, un filet cranté d’or qui le sépare d’un ciel à peine tourmenté, c’est sur cette infinitude de l’horizon que s’ouvre le film ; la durée  de ce plan fixe épousera le cheminement d’une « silhouette» qui se dirige vers une cahute en ciment, alors qu’aux tout premiers plans de ce lieu « improbable » se dessine la ligne horizontale d’une route sur laquelle filent un puis deux camions.

C’est le prologue.

Nous sommes au 143 rue du désert (sur la route reliant Alger et Tamanrasset )

 

La  "buvette" est tenue par Malika (la reine) une femme à la corpulence impressionnante, au verbe haut, au rire moqueur, au pragmatisme éprouvé. Cette gardienne du vide (comme la surnomme le facétieux Chawki) avec pour seuls compagnons Mimi, la chatte et les chiens,  filmée de face ou de profil, assise le plus souvent, à l’intérieur, est à l’écoute de tous ces  "voyageurs" -Camionneurs routiers imams militaires touristes et même une motarde polonaise ou un groupe de musiciens-chanteurs-. qui lors de leur périple s’octroient une pause (thé omelette). Les propos échangés avec la "maîtresse du logis"  sont apparemment anodins mais on devine que ces micro-histoires dessinent en creux l’histoire de l’Algérie  -un discours de Boumedienne est d'ailleurs retransmis sur le petit écran d’un portable- avec ses périodes troubles de terrorisme, ses problèmes de chômage de corruption et le sort des immigrés subsahariens. Le travail documentaire ne consiste-t-il pas à laisser ces "vies" -et surtout celle de Malika qui les capte et les enregistre,  à s’immiscer dans le plan, la caméra à juste distance (comme dans le film précédent dans ma tête un rond-point)?

 

Le 143 rue du désert , c'est un "refuge" de 20m2 rudimentaire, monacal (une table deux chaises un réfrigérateur quelques ustensiles) avec des ouvertures (fenêtres et porte) dont la portée symbolique est d’emblée soulignée, mais qui variera selon la position de Malika (à l’intérieur ou à l’extérieur) selon la distance, les moments de la journée, les lumières (de jour et de nuit). Cadre dans le cadre que le cinéaste filme avec cet art de la composition -auquel il nous a habitués-. Chawki à un moment improvise un parloir à travers la fenêtre grillagée ; une improvisation qui joue sur le détournement (ressort du comique) et qui pose aussi le problème de la « vérité et du mensonge » (portée plus philosophique) -le même problème que soulevait d’ailleurs Amou dans le film  Dans ma tête un rond-point  « je ne mens pas mais je ne tombe pas dans la vérité »

 

Solitude et aridité … En captant des atmosphères, des lumières, des musiques et des paroles le cinéaste les aura transformées en un souffle semblable à l’Esprit du lieu, et qu’incarne cette femme hors du commun

 

 Résiste comme tu as toujours fait  c'est l'exhortation de Chawki  quand Malika  apprend l’ouverture, non loin de son mini "commerce" , d’une station-service…..

 

Mais  les derniers plans laissent présager le pire...

(à moins que…)

 

Colette Lallement-Duchoze

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