de Nora Martirosyan 2020 France Arménie Belgique
avec Grégoire Colin, Hayk Bakhryan, Arman Navasardyan
en compétition officielle au Festival de Cannes 2020 et à la sélection ACID 2020. '
le seul film dans l'histoire du festival de Cannes à avoir eu cette double sélection
Alain, un auditeur international, vient expertiser l’aéroport d’une petite république auto-proclamée du Caucase afin de donner le feu vert à sa réouverture. Edgar, un garçon du coin se livre à un étrange commerce autour de l’aéroport. Au contact de l’enfant et des habitants, Alain découvre cette terre isolée et risque tout pour permettre au pays de s’ouvrir
L’auditeur français Alain Delage -même s’il est censé connaître l’historique de cette « enclave » montagneuse située à l’intérieur de l’Azerbaïdjan, de population arménienne, cet état autoproclamé République d’Artsak en 1994- mais qui n’est pas reconnu par les membres de l’ONU - est médusé quand il doit emprunter la longue route interminable qui le mène à l’aéroport de Stepanakert. C’est le prologue du film. Prologue où s’épanouit la beauté majestueuse des montagnes dans leur minérale aridité, (la réalisatrice par des plans récurrents sur leurs flancs, des panoramiques répétés sur l’enclave sculptée, ou des plans moyens sur des masses de verdure fera du paysage un personnage à part entière affichant cette naturelle beauté comme gage d’existence ) ; prologue qui met en évidence la difficulté d’accès au Haut Karabakh (une seule route tortueuse depuis l’Arménie et 8h de trajet) ; prologue enfin qui encode le film : c’est par cette route que nous entrons dans « si le vent tombe » tout comme G Colin pénètre en territoire « inconnu» déclinant son identité à un poste frontière « Alain Delage» (ah oui Alain Delon !!) avec ce passage de la nuit à la clarté du jour -tout comme l’expertise pour laquelle il est mandaté permettrait à cet Etat de passer de l’ombre à la lumière (cf les paroles de la journaliste mandatée par la télévision locale)
Voici un aéroport (qui ressemble à s’y méprendre à un oiseau cloué au sol…(et la toute dernière scène symbolisera un envol fictif !) il est quasiment neuf ; dans le hall circulent les quelques employés (entretien billetterie) le directeur Cet aéroport ne fonctionne pas…..OR un enfant porteur d’eau traverse à intervalles réguliers les pistes d’atterrissage, les frontières seraient-elles poreuses ?… Une situation « absurde » qu’accentue le décalage entre le « sérieux » d’Alain (et il agira avec méticulosité et opiniâtreté) et la fausse impassibilité des habitants (d’autant que la réalisatrice opère souvent par ellipses ou cercles narratifs concentriques)
Grâce à la fiction (imaginer un audit, opter pour un lieu symbolique : l’aéroport carrefour de tous les possibles) et à un traitement particulier de l’absurde, « si le vent tombe » est un film engagé : vous (la dite communauté internationale, incarnée par Alain Delage) qui ne reconnaissez pas l’existence de cet état, ouvrez les yeux !! et contemplez ces monts et forêts, écoutez ces habitants ; vous qui étiez plus préoccupés dans les années 90 par le sort de la Yougoslavie, vous avez ignoré la guerre et ses ravages sur notre « pays » dont nous portons encore les séquelles. Regardez cet enfant Edgar porteur de bonbonnes d’eau, tout comme il est porteur d’espoir (un projet certes et dans l’immédiat vendre cette eau « miraculeuse ») Envolez-vous avec lui dans cet oiseau d’acier pour découvrir la beauté de nos paysages mais aussi clamer notre reconnaissance à l’univers ! embargo levé et reconquête de notre dignité ?
Le film a été tourné en 2018.
Hélas, peu de temps après, le conflit a repris du 27 septembre au 10 novembre 2020, entre l’Azerbaïdjan équipé d’armes en provenance d’Israël et soutenu par la Turquie et les forces militaires du pays soutenues par l’Arménie. Pour le Haut-Karabagh, les pertes en hommes ont été très importantes et une grande partie du pays se retrouve dorénavant sous l’emprise de l’Azerbaïdjan.
Colette Lallement-Duchoze
pour info
Native de l’Arménie soviétique, Nora Martirosyan est dorénavant installée à Montpellier où elle se partage entre l’enseignement du cinéma et de la vidéo et la réalisation de films. Après plusieurs court-métrages, elle a choisi, pour son premier long métrage, de poser sa caméra dans un pays très particulier, un pays qui n’existe pas sur le plan juridique et géopolitique, mais qui a pourtant une capitale, un président et qui est doté d’une constitution. Ce pays, c’est le Haut-Karabagh et elle l’a visité pour la première fois en 2009. Le cheminement pour arriver à Si le vent tombe a été long : le film a été développé dans le cadre des ateliers d’Angers 2014, le projet a été sélectionné par l’Atelier Cannes 2014 et l’écriture du scénario a été finalisée avec la romancière Emmanuelle Pagano, rencontrée à la Villa Médicis