De Corneliu Porumboiu (Roumanie 2020)
Avec Vlad Ivanov, Catrinel Marlon, Rodica Lazar
Titre original La Gomera
Festival ROMANIA https://www.villeneuveloubet.fr/romania
Cristi, un inspecteur de police de Bucarest, corrompu par des trafiquants de drogue, est soupçonné par ses supérieurs et mis sur écoute. Embarqué malgré lui par la sulfureuse Gilda sur l’île de la Gomera, il doit apprendre vite le Silbo, une langue sifflée ancestrale. Grâce à ce langage secret, il pourra libérer en Roumanie un mafieux de prison et récupérer les millions cachés. Mais l’amour va s’en mêler et rien ne se passera comme prévu…
Tout dans ce film déstructuré et facétieux, fuse et crépite. La musique ? Vous entendez aussi bien Iggy Pop que Strauss Bellini et Carl Orff - surtout dans le bouquet final (expression à prendre dans ses sens propre et figuré) . Le montage ? Fait de constants flash back et flashforwards (analepses et prolepses) et d’allers et retours entre la Roumanie et les Canaries, plus particulièrement la Gomera cette île où Cristi va apprendre le silbo gomero (langue sifflée qui permet de communiquer sans être perçu par une oreille non initiée…) ; montage qui, malgré les encarts de couleur annonçant un "chapitre" censé être consacré à un personnage -Gilda, Zsolt, Mama, Paco, Magda, Cristi-, n’en est pas moins un jeu constant de cache-cache où chacun est à la fois manipulateur et manipulé, observateur et observé, voyeur et traqué dans un monde de vidéosurveillance où même les agents de police tentent en vain de démêler sur leurs écrans l’écheveau d’une intrigue "apparemment' complexe (le spectateur ne serait- il pas aussi ce "voyeur" d’abord dérouté puis "complice" des caprices de l’homme aux cent visages ? Ce Cristi ripou de la brigade des stups, au physique débonnaire, mais qui dans les faits est une taupe, un agent double voire plus... .
À la fois film d’espionnage et d’aventure, thriller et polar, - avec des clins d’oeil à Gilda et Pulp Fiction entre autres- "les siffleurs" relève aussi de la satire sociale. On sait que la corruption est une thématique privilégiée du cinéma roumain, quel que soit son mode de traitement. Fléau du monde contemporain elle est ici un ressort du comique ; et par des insinuations, elle peut évoquer l’ère du communisme (pour dissimuler la provenance réelle du magot, Cristi exhorte sa mère "tu diras que c’est l’épargne de ton mari" "Mais tu sais bien que ton père ne touchait pas de pots-de-vin" proteste Mama "C’est un cliché alors ils te croiront" rétorque son fils. TOUT est dit)
Un film qui, in fine, interroge l’essence même de la création. Si le silbo gomero est bien un langage qui code le langage parlé, le cinéma n’encoderait-il pas le réel ? Et la confrontation image/langage n’est-elle pas la dynamique de ce film ?
Film à (re)voir !
Colette Lallement-Duchoze