d'Agnes Kocsis (Hongrie 2019)
avec Lana Baric, Daan Stuyven, Lóránt Bocskor-Salló, Maja Roberti, Zalán Makranczi, Róbert Kardos
présenté en ouverture du festival international de films de femmes (2 au 11 avril)
Éva est allergique à toutes sortes de substances chimiques, aux ondes radio et aux champs électromagnétiques. Elle doit vivre dans un isolement total et ne peut avoir aucun contact avec son environnement. La moindre erreur peut lui être fatale. Elle est juste en relation avec son frère et les médecins qui continuent à faire des expériences sur elle. Mais un jour, un psychiatre vient vérifier si sa maladie est réelle ou simplement imaginaire…
Jamais un titre n’aura été aussi antiphrastique et le personnage principal Eva aussi éloigné de son homologue d’antan !
Cloîtrée dans un appartement aseptisé, monacal, aux couleurs froides, Eva (formidable Lana Baric) ex enseignante, doit se rendre régulièrement dans une clinique : soumis à des tests dans un cube de verre, son corps sert de cobaye ! (tout comme un rat en laboratoire), et ses réactions enregistrées sur ordinateurs par des « sachants » en blouse blanche ; scènes d’une froideur glacée et glaçante, scènes humiliantes, (or c’était le deal : des tests contre un appartement complètement aménagé !!). Eva doit aussi être évaluée par un psychiatre dont le rapport sera déterminant au moment du procès (au cas où la maladie ne serait pas d'origine physiologique !!). Et le spectateur va assister à un face-à-face (sens propre et figuré) interrogations apprivoisement avant le « rapprochement » furtif, prémices d’un bonheur retrouvé dans un cadre champêtre, édénique ??? On serait tenté de le croire mais ….la séquence finale ……..
Un film à la maîtrise formelle sidérante : couleurs gris bleu dominantes, plans larges, plans fixes construits comme des tableaux, cadrages soignés, perfection de la photographie. Un film qui, malgré sa durée (2h33) ne souffre pas de longueurs inutiles, et dont le tempo assez lent est en harmonie avec le processus de "thérapie". Un film qui joue avec les effets spéculaires : jeux de miroir, de reflets, du double, comme autant de symboles ou de métaphores -les glaces dans la salle de bain, les cubes de verre, Eva et son reflet sur les baies vitrées alors que son dessin reproduit la façade de l’immeuble d’en face, l’oiseau qui agonise après avoir percuté la fenêtre et son simulacre en autocollant, Eva debout regardant la carapace: son "double" allongé, les deux aquariums, les deux tortues, Liza et Eva, les deux « faces » d’un même personnage, le frère et la sœur!
Science-fiction que ces déplacements d’Eva dans une tenue de cosmonaute, en taxi, dans le métro, en ville ?, que ces tests dans le désert avec des dômes en verre? En tout cas l’allergie aux ondes aux produits contenant des adjuvants artificiels, aux particules fines est sans conteste un « mal » de notre temps (ce dont témoigne au moment du procès la contre expertise réalisée par des militants écologistes) Eva n’incarnerait-elle pas à elle seule tous ces lanceurs d’alerte qui mettent en garde contre un péril planétaire? (cf le long zoom arrière sur ce coin de verdure qui progressivement va s’exhausser aux dimensions du globe terrestre)
Ce film présenté dans plusieurs festivals avant la pandémie, peut entrer en résonance en 2021 avec le vécu du spectateur: le confinement et ses déclinaisons, les gestes barrières, la peur de la contamination, et surtout le besoin irrépressible du contact physique (ce dont souffre le plus Eva dans son enfermement est précisément un manque d’amour, de caresses….)
Combien de temps un être humain peut-il « survivre » dans un tel contexte ???
Un film à ne pas rater
(ne pas "louper" la dernière image après le long générique de fin, celle du céphalopode aux "3 cœurs")
Colette Lallement-Duchoze