de Hubert Viel (2020)
avec Laure Calamy (la mère) Bruno Clairefond (le père) Erika Sainte (Louise ou Louloute adulte) Alice Henri (Louloute 10 ans)
Grand Prix international du jury : La Roche sur Yon 2020
Présenté le 10 mars 2020 en soirée d’ouverture aux journées cinématographiques 21ème édition (cf annonce du 5 mars sur cinexpressions)
https://www.festivalscope.com/page/les-journees-cinematographiques/
https://vimeo.com/jcinematographiques
À l’occasion de la vente de la ferme familiale, Louise se replonge dans ses souvenirs d’enfance. Vingt ans plus tôt, elle était Louloute, une enfant insouciante et malicieuse. Louise se souvient de ces doux moments de bonheur, vite obscurcis par les dettes de ses parents.
"non je n’étais pas folle mais mélancolique" (Louise à Dimitri )
Une vue en plongée sur un parc avec plan d’eau, entouré d’immeubles, alors que défile le générique ; prologue qu’accompagne la musique composée par Alvarez -dont un extrait servira de leitmotiv. Un décor urbain dans lequel évolue Louise 30 ans professeur d’histoire au collège.
Le film s’ouvre sur une scène "ordinaire": Louise semble coutumière des retards et sujette aux endormissements ! ! Mais une remarque -qui, dans le contexte, concerne la démocratie au temps de Périclès comparée à la nôtre interroger le passé pour comprendre le présent - préfigure le rôle des allers et retours entre Louise adulte (encore traumatisée…) dans les années 2010 et Louloute 10 ans vivant dans le cocon familial d’une ferme laitière dans les années 80 ; allers et retours dont la gestion très astucieuse scande la narration …..
Si l’on se réfère uniquement au titre, le film consacré au personnage éponyme est un film sur l’enfance, (rien à voir avec "petit paysan" ou "au nom de la terre" ), un film initiatique (?) Certes les problèmes « typiques » de la période (et surtout le système des quotas laitiers) sont évoqués, mais ne sont pas l’objet de démonstrations. Car ils sont appréhendés par l’enfant et vécus de l’intérieur: Louloute l’intuitive, l’amie des bêtes, du monde vivant, voit le monde de son père se déliter : vendre une vache qui ne produit plus, refuser de se convertir dans l’exploitation de la viande comme le suggère le beau-père (Saladin), crouler sous les dettes ; elle capte des bribes de conversations, assiste impuissante à la "dégradation" physique et psychologique d’un père qu’elle adore, jusqu’à la découverte, un matin ….La tragédie restera hors champ!
Une séquence "onirique" (un bouc doté de la parole, un père aux ailes déployées dont le visage va prendre les traits de la mort) une quête d’inspiration mystique (l’enfant implore la Vierge et Jésus…) une fugue, une attitude rebelle ou des propos provocateurs etc. autant d’éléments qui par touches successives de style impressionniste tissent le caractère de Louloute enfant et dessinent en creux le portrait de Louloute adulte !
Tourné à la ferme des Caumonts à Valorbiquet dans le Calvados, le film s’inspire, pour la "reconstitution" des années 80, de ce qu’a vu, ressenti le réalisateur qui fait la part belle aux ambiances (solaires ou très sombres) à certains symboles, aux accessoires typiques de l’époque (vêtements, programmes TV entre autres)
Dans la séquence finale, un gros plan cadre Louloute au centre, entre ses parents qu’elle a rejoints dans leur lit, un dimanche matin. Et les trois personnages réunis à l’écran -comme ils le furent dans la vie, du moins momentanément - habités par le bonheur l'illuminent de leur sourire. Cliché ? Non car d'une part cette séquence reprend ce qui avait été ébauché vers le milieu du film dans ses aspects négatifs et traumatisants et d'autre part elle illustre les convictions de Louise "Ce qu’ils ne me voleront jamais, ce sont mes souvenirs, ceux qui n’appartiennent qu’à moi, ceux que je garde dans le cœur avec le sourire"
Colette Lallement-Duchoze