22 mars 2021 1 22 /03 /mars /2021 08:51

 de Maya Da-Rin (Brésil 2019)

Avec Regis MyrupuRosa PeixotoJohnatan Sodré

présenté le 20 mars 2021,  soirée de clôture des  21èmes journées cinématographiques 

 

ce film a obtenu l’Abrazo au festival de Biarritz 2019

Regis Myrupu  a été récompensé du prix d'interprétation masculine au festival de Locarno

 

A Manaus une ville industrielle au cœur de la forêt amazonienne, Justino, un amérindien de 45 ans, est agent de sécurité dans le port de commerce. Sa fille se prépare à partir pour Brasília afin d’y suivre des études de médecine. Confronté à la solitude de sa modeste maison et persuadé d’être poursuivi par un animal sauvage, Justino est saisi d’une fièvre mystérieuse.

La fièvre

"je suis à l’affût toute la journée comme un chasseur sans proie"  (Justino à sa fille)

"ils ont de grands yeux mais ils ne voient rien. Ils ne voient même pas nos rêves" (Justino à propos des médecins qui ont prescrit des examens cliniques afin d'expliquer une fièvre soudaine)

 

Indien chez les Blancs (son collègue de travail va jusqu’à proférer sans vergogne des préjugés racistes),  Blanc  pour ses pairs (la communauté des Desana) Justino vit dans cet entre-deux, tout en assurant le lien entre le milieu portuaire où il travaille et la forêt, qui abrite son modeste  lieu d’habitation.

La dichotomie (ville/forêt, rêve/réalité, activité à  "l’occidentale" /respect des coutumes ancestrales) semble être la dynamique de ce film qui fait la part belle à la bande-son. Or la réalisatrice a voulu  -tout en préservant les contrastes- créer une forme de confusion ; ainsi même si « apparemment » les plans et angles de vue sur le trafic portuaire (arrivée, réception des conteneurs) sur ce ballet à la fois grandiose et  inhumain des engins, des élévateurs dans leur rigidité rectiligne s’opposent à la masse compacte verte d’un univers labyrinthique, les sons aigus vont progressivement définir les deux univers (une stridence commune aux bruits  métalliques et au "chant" des  insectes) tout comme Justino – suite à un état fébrile inexpliqué – sera à la fois "chasseur" et "proie" (ce qu’illustre son rêve/cauchemar),  tout comme le film est   "suspendu entre rêve et réalité".

Cela étant, avoir choisi la ville de Manaus correspondait à une volonté de mettre en exergue différents types de société (la ville béton déshumanisée et l’arrière-plan où vivent des sociétés « plus ouvertes » dans leur relation avec autrui) Un plan - à partir de la forêt- cadre précisément cette répartition dans l’espace (la compacité verte du premier plan contrastant avec la compacité verticale des immeubles à l’arrière-plan)Cloisonnement définitif ? générationnel ? La fille de Justino va partir à Brasilia 5 ans pour ses études de médecine, son fils a adopté le mode de vie des Blancs et ne saurait prendre en charge son père (prétextant l’exiguïté de sa maison) ; adaptation synonyme de trahison ? c’est un des enjeux de ce film...

 

Un film qui s’ouvre sur un long plan fixe : vu de face Justino, agent de sécurité dans le port de commerce, semble impassible comme à l’affût, mais ne serait-il pas aussi dans un "ailleurs"  insoupçonné, habité par la bande-son ? Puis ce seront les mêmes gestes toujours, toujours recommencés (travail, vestiaire, bus, habitation monacale qu’il partage avec sa fille Vanessa) avec parfois des arrêts  (église marché).

Si la forêt est le lieu de vie, de survie pour les sociétés indigènes contemporaines (dont les Desana font partie) elle est aussi cet antre où se  " réfugierait"  la bête sauvage que l’on traque….Animal ou Homme ?? 

La fièvre symptôme ou cause d’un mal ?

La fièvre comme métaphore ?

 

Écoutons cette chanson qui clôt le film (alors que défile le générique de fin)

"C’est pour cela que je suis venue vous parler/ Partez à la recherche de ce que vous désirez/ Ce monde est souillé/ Nous devons être forts comme nos ancêtres/ C’est pour cela que je suis venue vous parler"

 

Colette Lallement-Duchoze

 

PS  ne ratez pas ce film -sortie  prévue en juin 2021....

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