23 novembre 2020 1 23 /11 /novembre /2020 07:05

de Teboho Edkins (Afrique du Sud 2020)

directeur de la photographie  Samuel Lahu

 

Présenté en compétition festival Jean Rouch 2020

www.comitedufilmethnographique.com

 

Dans une région reculée du Lesotho, l’arrivée de nouveaux colons, des migrants économiques en provenance de Chine, bouleverse l’équilibre des pouvoirs. Les anciennes lois et les anciens dieux sont remis en cause. Les forces débridées du capitalisme affectent profondément ces communautés rurales. Des moments fugaces et de petits gestes révèlent les effets de la migration, les sacrifices individuels, la solitude, l’aliénation et l’expérience de l’altérité. Une violence latente menace d’éclater, tandis que les anciennes structures commencent à se désintégrer et qu’une règle s’impose entre toutes : manger ou être mangé.

Days of cannibalism

Un hôtel à Guangzhou (séquence d’ouverture) ; un bar au Lesotho ; deux pôles La Chine l’Afrique. La circulation de billets comme moyen d’échange, des billets que l’on palpe compte et recompte. Dès le prologue -cf la mini séquence chez un opticien chinois- s’affichent lumières rutilantes mais aussi suspicion et défi (Africains au regard et au verbe accusateurs, Chinois sur leur quant-à-soi) ; dès le prologue une vision fragmentée du nouveau capitalisme

Puis une suite de mini séquences sous forme de tableautins (récurrence des mêmes lieux et personnages) avec montage alterné et « gradation » (dans la violence surtout), va nous plonger dans la vie quotidienne de ces habitants éleveurs et ouvriers, de ces Africains du Lesotho attachés à leurs traditions, à leur cheptel, mais dépendant désormais des « capitaux » chinois et confrontés à une autre « vision » de l’univers et de ces migrants Chinois (promoteurs entrepreneurs patrons employés et commerçants) dont certains en déshérence d’ailleurs. Alternance et face à face. Société traditionnelle face au nouveau modèle économique !! Affres de la mondialisation capitaliste et appétit insatiable pour le business

Voici un petit pays d’Afrique australe où le cheval est « la fierté de la nation » (au début, nous assistons à une fête parade ; chevaux caparaçonnés cavaliers costumés). Un pays où la vache est « sacrée »(dans la culture basotho n'est-elle pas  "dieu au nez mouillé"? ) Et le propriétaire d'un grand troupeau est respecté sinon vénéré. Voici filmé en plongée un troupeau qui se dirige vers un enclos; puis la caméra s'approche : gros plan sur  le pelage, les museaux les oreilles; s'inscrivant dans un paysage à leur mesure -saluons ici  le travail de Samuel Lahu-, ces vaches imposent leur masse et le dessin de leurs contours. Or pour les nouveaux immigrants la vache n'est qu'un maillon dans un circuit de rentabilité: de l'élevage à l'abattoir, de l'abattoir au commerce de boucherie . Acheter un animal? "ils -les Chinois- me font peur. Ils ont beaucoup d'argent ; de toute façon ils ne pensent qu'à l'argent, mais le vrai travail, le soin des bêtes c'est pour nous". Vendre les morceaux (qu'ont débités des ouvriers africains)?  "je vais d'abord peser pour connaître le prix" dit le propriétaire  chinois.

La pauvreté croissante des autochtones a conduit certains à "voler" du bétail. N'est-ce pas le signe manifeste d'une rupture avec une culture ancestrale? Voici deux hommes sur le banc des accusés (ce sera la séquence la plus longue de ce documentaire) ; leur délit? avoir volé 15 ou 20 vaches. Leur défense? Chômage et impossibilité de subvenir aux besoins de la famille. Filmés de profil leurs deux visages se détachent telles des ombres portées alors que le président de la Cour -en plan moyen- envahit l'écran et que le procureur dans son réquisitoire est filmé de dos ...Verdict: 10 ans de réclusion! Lors d'un contrôle un acquéreur de cheval risque amende et prison; il n'a pas les "preuves d'achat" mais ayant acheté un animal ...volé...il s'est rendu complice de vol et encourt un châtiment exemplaire!!

Dans ce royaume montagneux du Lesotho (et le cinéaste nous fait découvrir les forces vives d'une nature qui respire à l'unisson de l'humain avec cette alternance entre plans en plongée et contre plongée selon qu'on veut insister sur la faiblesse ou la puissance de l'homme, sur la majesté bienveillante ou hostile de la Nature dans son aridité même et des Dieux) ; et plus particulièrement dans la région de Thaba Tseka c'est tout un mécanisme économique nouveau qui a brisé l'équilibre. Le speaker de la station radio locale ne cesse de s'interroger sur "l'intégration de la communauté chinoise" dans la culture africaine"

Vol et saccage d'un magasin, commerçante entravée plaquée au sol, rideau de fer que l'on va baisser: une violence inéluctable?? 

 

Plan final : des vaches se  "nourrissent" (de?) auprès des carcasses de leurs soeurs ….

manger, être mangé...

 

Days of cannibalism,  des pionniers, des vaches et le capitalisme

Un documentaire que je vous recommande !  

 

 

Colette Lallement-Duchoze

 

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