12 novembre 2020 4 12 /11 /novembre /2020 14:58

De Vincent Gérard, Cédric Laty, Bernard Marcadé et Camille Zéhenne  (France 2017 ) documentaire/fiction (sortie le 15/01/2020)

 

2017 : Visions du Réel - Nyon (Suisse) - Compétition Internationale Moyens Métrages

 

Barthes *Sous ce nom, du gascon barta – zone humide auprès d’une rivière ou d’un fleuve–, on désigne les terres basses inondées chaque hiver par l’Adour

libre interprétation des Mythologies de Roland Barthes, dont le récit se joue principalement sur le fleuve Adour et dans la lumière du sud ouest.

Barthes

En jouant sur la « polysémie » du mot Barthes (nom de l’écrivain sémiologue et toponyme ensemble des terres basses inondées chaque hiver par l’Adour) en faisant coexister des extraits de Mythologies (voix off) et  la géographie d’une région bien définie (des panneaux de signalisation, des cartes agrandies serviront de repères tels des « signes » ethnographiques) les auteurs de ce documentaire vont « raccorder le creux de la langue et les crêtes d’un paysage traversé par ses lumières ».

 

Nous voici sur les traces de Barthes qui on le sait avait pris l’habitude, à partir de 1968, de passer ses étés à Urt -une commune des Pyrénées Atlantiques- où il appréciait «le délice des matinées : le soleil, la maison, les roses, le silence, la musique, le café, le travail, la quiétude insexuelle, la vacance des agressions » (sa mère et lui-même sont enterrés dans cette commune).

Nous sommes invités à descendre l’Adour, de la sortie d'Urt  jusqu’à l'Atlantique,- au gré de « rencontres » parfois insolites, que ponctue  la musique de Satie -, jusqu’à ce dernier plan où vibre l’immensité d’un flux héraclitéen. Une balade qui se mue en  ballade !

 

Mais inutile  de chercher à tout prix  une synonymie entre les paysages, le fleuve, ses rives, les hameaux, les chemins vicinaux,  les personnages et les textes lus. L’apparente illustration peut être ironique  ou procéder d'effets spéculaires contrastés voire inversés : ainsi en est-il de ces cyclistes âgés filmés en groupe (tel un peloton) ou individuellement alors que Bernard Marcadé lit des extraits du « tour de France » (son onomastique son épopée lisible dans la personnification des lieux et ses 4 mouvements : mener suivre s’échapper s’affaisser). Voici une surfeuse et simultanément  on entend  un extrait du  texte « le plastique » (moins objet que trace d’un mouvement) ; voici une femme qui exécute une danse « orientale » puis elle procède au dévêtement, les déhanchements et les gestes semblent donner raison à Barthes (strip-tease) MAIS le contexte désacralise « la conjuration minutieuse du sexe »

Se pose  une autre problématique :  la mythologie dénoncée par le sémiologue au milieu du XX° siècle imprègne-t-elle encore notre quotidien? 

Ce n’est pas pur hasard si le documentaire s’ouvre sur des extraits du «guide bleu » suivis par ceux de « l’écrivain en vacances » Si le guide bleu flatte la montuosité et ne s’intéresse qu’aux monuments , les quatre auteurs du documentaire « montrent » l’exact contraire en jouant sur les arrondis verts, les miroitements des couleurs, les éclats de lumière sans verser dans les clichés lisses des chromos..

La musique de Satie scande, en la ponctuant, cette ballade, mais  elle subit elle aussi des "travestissements" (dans les divers "arrangements") quand elle ne s’accouple pas avec la musique d’une fanfare !

 

Roland Barthes non sans ironie (on le connaît pince-sans-rire) fustige un certain langage et partant une certaine idéologie et son recueil Mythologies qui ausculte la France des années 50 sous forme de tableaux, démystifie l’objet mythifié par le langage, objet qui véhicule les valeurs bourgeoises sans jamais le dire comme si les valeurs étaient des évidences unanimement partagées. Les auteurs de ce documentaire par une forme de mimétisme inversé rendent hommage à cet écrivain en l’inscrivant dans SON lieu d’élection, en choisissant des textes dont le pouvoir corrosif est toujours d’actualité et leur « essai remet en scène le documentaire et la fiction, les universalise dans la lumière du Sud-Ouest, ici et maintenant » (Emmanuel Chicon. Visions du réel) 

 

Colette Lallement-Duchoze

 

 

Barthes

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