Adilkhan Yerzhanov (Kazakhstan 2019)
Bekzat est un jeune policier qui connaît déjà toutes les ficelles de la corruption des steppes kazakhes. Chargé d’étouffer une nouvelle affaire d’agressions mortelles sur des petits garçons, il est gêné par l’intervention d’une journaliste pugnace et déterminée. Les certitudes du cow-boy des steppes vacillent.
Un champ de maïs aux couleurs mordorées qui crépite de lumière, un homme les yeux bandés y joue à colin-maillard.. Le prologue dont les plans et cadrages rappellent une peinture, a de quoi surprendre. Puis par petites touches et quelques gros plans bien ciblés le film se « révèle ». Ce personnage aux allures de Pierrot lunaire sera le coupable idéal : il avouera -moyennant finance- être l’assassin de ce jeune homme dont le corps gît sous un drap maculé de sang…Un flic qui suborne ! Une police provinciale archi corrompue !!!
Non, nous ne sommes pas en Absurdie...
Nous voici immergés dans un décor qui frappe par son aridité, son austérité, sa désolation ou parfois sa blancheur qui recouvre l’espace comme un linceul. Un monde où évoluent des personnages à valeur archétypale: le flic corrompu, les mafieux, la justicière. Peinture d’une police kazakh provinciale où un vieil immeuble -vestige de l’empire soviétique- sert de commissariat, où la voiture de Bekzat est un tas de ruine...Face à eux, des prétendus « simples d’esprit » dont le personnage du début qui de ses gestes maladroits et avec sa compagne et l’enfant s’approprie cette nature "mère-nourricière".
La dynamique du film? L'arrivée d'une journaliste va conduire Bekzat, de la corruption à un "semblant" de rébellion contre ses supérieurs encore plus corrompus - tant il semble impressionné par la probité de cette femme, un chemin parsemé d’indices à valeur de "symboles" (dont le ballon ou la voiture brisée)
Dans une guerre on sait que la première victime est la vérité ; dans le « despotisme » -et la journaliste intègre citant l’Esprit des Lois de Montesquieu le rappellera à ses ravisseurs- la "crainte" est un principe stérilisant et destructeur qui fait régresser les hommes en-deçà des lois de la nature»
Mais ne nous méprenons pas : le film apparemment "noir" est en fait un mélange astucieux de poésie et de macabre, traité de façon minimaliste, avec une prédilection pour les plans fixes, les vues en légère contre plongée et les lents travellings avant.
Certains vont déplorer une complaisance dans le " gore" (gros plan sur un visage tuméfié ou un corps sanguinolent) et quitter la salle…
Pourtant l’humour, l'ironie (même si comme Bekzat, nous ne comprenons pas les blagues racontées par ce supérieur hiérarchique le seul à rire à gorge déployée) et la poésie jouent le rôle de contrepoint
A dark dark man, un "conte moral" ?
Je vous laisse juge
Colette Lallement-Duchoze