Documentaire réalisé par Tamara Kotevska et Ljubomir Stefanov (Macédoine 2019)
Grand Prix du Jury Sundance 2019 du documentaire étranger
Hatidze est une des dernières personnes à récolter le miel de manière traditionnelle, dans les montagnes désertiques de Macédoine. Sans aucune protection et avec passion, elle communie avec les abeilles. Elle prélève uniquement le miel nécessaire pour gagner modestement sa vie. Elle veille à toujours en laisser la moitié à ses abeilles, pour préserver le fragile équilibre entre l’Homme et la nature.
Seul et minuscule chemine un personnage sur un sentier; vue en plongée sur un environnement que n’a pas altéré la folie humaine et quand la caméra se rapproche, nous découvrons le visage d’une femme, un visage buriné -par les ans serait-on tenté de dire mais on apprendra qu’elle a 55 ans!!. Dans ce paysage de montagne rocailleuse à la majesté solitaire, voici une pente escarpée que gravit avec souplesse cette femme, jusqu’à cette anfractuosité où se nichent….. des abeilles. Gestes précis qu’accompagne un chant magique destiné à calmer les insectes, gestes séculaires.
Ce sont les premiers plans de ce documentaire qui nous transporte dans un territoire oublié des hommes - vues en plongée sur le village sans eau ni électricité, village désert car déserté par les hommes où les maisons/masures ne sont que ruines hormis celle qui abrite Hatidze et sa mère grabataire-, un documentaire qui exalte la connivence respectueuse entre l’homme et la nature, un documentaire récompensé de trois prix au festival Sundance
Les réalisateurs font judicieusement alterner les scènes en extérieur (vastes panoramiques ou plans larges sur le paysage nimbé de lumière) et scènes d’intérieur où le clair-obscur (présence de la bougie éclairante) magnifie la relation entre Hatidze et sa mère Nazive ( « pas moyen de mourir et je te rends la vie impossible »). Et dans un premier temps ils invitent le spectateur à suivre leur quotidien rythmé par les repas, les allées et venues d’Hatidze entre les ruches, la récolte du miel et sa vente sur les marchés de Skopje
Mais avec l’arrivée intempestive des voisins turcs (famille nombreuse à nourrir, bétail à préserver) l’équilibre va progressivement se rompre : intoxiqué par un « escroc » partisan du rendement à tout prix le père porte atteinte à la coutume ancestrale de la récolte du miel. Dans cette partie le film oppose deux modes de pensée et de vie dont rend compte le contraste entre la turbulence des uns et la quiétude des autres, entre la volonté de s’enrichir à tout prix et la quête d’un bonheur simple, profondément humain, soucieux de préserver les richesses de la nature ; opposition que certains dans une vision caricaturale hâtive et simpliste identifient comme la lutte entre le méchant capitaliste et la vertueuse apicultrice….(Le Monde)
Honeyland : fin d’un monde ? Certes -celui incarné par Hatidze qui, ayant fait le choix de « soigner » sa mère ne s’est pas mariée et n’aura pas d’héritier pour perpétuer une tradition. Mais éveil d’une conscience -incarnée par un des fils de Hussein Sam et peut-être par le public!!!- celle de l’éco-responsabilité....
Un documentaire à ne pas rater!
Colette Lallement-Duchoze