Documentaire réalisé par Mariana Otero (France)
A peine âgé de 30 ans Gilles Caron au sommet d'une fulgurante carrière de photo-reporter, disparaît brutalement au Cambodge en 1970. Il aura été l'un des témoins majeurs de son époque, couvrant les plus grands événements historiques et sociaux
Au départ, un livre consacré à Gilles Caron que reçoit la réalisatrice Mariana Otero. Elle l’ouvre et nous le découvrons en même temps qu'elle. Premier plan. Scène d'ouverture
Au départ une photo et son écho :celle des deux filles de Gilles Caron que Mariana Otero met immédiatement en parallèle avec les dessins de sa mère (disparue elle aussi).
Au départ un geste, une connivence, une correspondance entre le "regard" de la cinéaste et le regard du photographe.
À partir d’un disque dur -les 100 000 photos, les planches-contacts, les rouleaux- c’est une vie, c’est un tout à déplier et mettre dans un certain ordre, c’est un regard à capter!
Celui d'un photographe disparu en 1970 qui avait couvert la guerre des Six Jours, le Biafra, la guerre du Vietnam, mai 1968, l’Irlande du Nord, et le Cambodge…Grand reporter de guerre, Gilles Caron a aussi immortalisé sa propre famille, la jet set parisienne, le travail de cinéastes sur leur lieu de tournage (Truffaut Baisers volés par exemple).
Mariana Otero s’adresse à lui (voix off) le tutoie, comme un "double artistique" ?.Ses questionnements supposés (sur la position du regardeur face à ce qu’il veut immortaliser, sur l’angle de vue, sur l’instant magique où il appuiera sur le déclencheur) ses tâtonnements, ses réponses elle se les approprie, les fait siens (la longue séquence consacrée à Cohn-Bendit le prouve aisément). Elle épouse ainsi son regard et invite le spectateur à partager cette démarche.
Spectateur qui, conscient de la charge émotionnelle et politique des images, sait que la photo doit être contextualisée, qu’elle n’est pas "innocente" qu’elle peut être "indécente" dans sa volonté même d’alerter l’opinion (cf Caron photographie Depardon qui photographie un gamin biafrais squelettique …) qu’elle peut exhumer un passé que l’on croyait enfoui (cf les séquences en Irlande où Mariana Otero presque 50 ans après la guerre civile, part à la rencontre de ces personnes qui manifestaient en 1969 et que Gilles Caron avait photographiées à découvert ou non. Regard émerveillé de cette femme âgée qui se (re)voit jeune fille telle une icône dans un environnement de gravats!)
Histoire d’un regard ce n’est pas un simple documentaire sur un photographe, c’est une proximité entre une cinéaste et un artiste de l’image
Et voici que le temps se fige
alors que palpite l’acuité d’un regard
Un bel hommage à ne pas manquer !
Colette Lallement-Duchoze