de Maryam Touzani (France Maroc)
avec Lubna Azabal, Nisrin Erradi, Douae Belkhaouda
Présenté à Cannes (Un certain Regard)
Dans la Médina de Casablanca, Abla, veuve et mère d'une fillette de 8 ans, tient un magasin de pâtisseries marocaines. Quand Samia, une jeune femme enceinte frappe à sa porte, Abla est loin d'imaginer que sa vie changera à jamais. Une rencontre fortuite du destin, deux femmes en fuite, et un chemin vers l'essentiel.
La mort n’appartient pas aux femmes (Abla)
Peu de choses leur appartiennent (Samia)
C’est un film de femmes, c’est un regard de femme sur des femmes (entendons par là que le regard de la réalisatrice épouse celui de ses deux personnages féminins) et à travers le parcours de Samia et Abla c’est un état des lieux de la société marocaine dans ce qu’elle comporte de plus traditionnel machiste et misogyne : la grossesse hors mariage, illégale, est sévèrement punie (Samia le sait et préfère donner son enfant à l’adoption "avec moi il serait condamné") et une veuve ne peut accompagner son époux dans sa sépulture (Abla le rappellera, triste et mezza voce lors d’une confidence à Samia)
Nous sommes à Casablanca. La Médina. Une jeune femme enceinte frappe désespérément à toutes les portes pour offrir ses services de coiffeuse, de "bonne" à tout faire. Refus réitérés. Nous cheminons à ses côtés dans les ruelles.
A partir du moment où Abla (pâtissière) accepte de l'aider et lui offre l'hospitalité (sa gamine de 8 ans a joué le rôle d'intermédiaire...), la réalisatrice filme en intérieur. Plans serrés, jeux d'ombre et de lumière, ocres bruns et mordorés -un travail remarquable de Virginie Surdej directrice de la photographie. Ces effets de clair-obscur rappellent certaines peintures, et ils sont en harmonie avec toutes les zones d'ombre et les secrets d'un film à la fois pudique et sensuel .
Certes il y a quelques échappées -sur les toits de la Médina, ou dans les ruelles quand le four tombe en panne-; certes il y a cette fenêtre destinée au commerce et c'est par elle qu'un homme éperdument amoureux fait la cour à Abla; puis il y aura la fête de l'Aïd - mais les participants seront comme floutés...
L’essentiel est bien dans cet espace clos où insularité et sororité se rencontrent, se conjuguent et s’épousent.
Un apprivoisement réciproque que les deux actrices Lubna Azabal (rappelez-vous sa prestation dans Incendies) et Nisrin Erradi incarnent avec une force et une justesse telles qu’on oubliera quelques longueurs (plus ou moins complaisantes)
Un film à ne pas manquer!
Colette Lallement-Duchoze