de Jayro Bustamante (Guatemala)
avec Maria Mercedes Coroy, Sabrina de La Hoz
Prix du public au festival Biarritz Amérique latine (28ème édition octobre 2019)
La Llorona : seuls les coupables l’entendent pleurer. Selon la légende, la Llorona est une pleureuse, un fantôme qui cherche ses enfants. Aujourd'hui, elle pleure ceux qui sont morts durant le génocide des indiens mayas. Le général, responsable du massacre mais acquitté, est hanté par une Llorona. Serait-ce Alma, la nouvelle domestique ? Est-elle venue punir celui que la justice n’a pas condamné ?
Pour le troisième volet d’une trilogie consacrée aux "maux" du Guatemala -trois maux, trois mots tabous (indiens dans Ixcanul, homosexuels dans Tremblements, et communistes dans La Llorona) Jayro Bustamante a choisi d’habiller une période historique (le génocide des années 1980) d’une légende, celle de la pleureuse; mais en la délestant de ses oripeaux machistes ; elle devient une justicière qui va hanter le général (condamné mais acquitté)
L’essentiel du film est un huis clos familial -enfermement qui se prête d’ailleurs aux plans séquences- à l’intérieur d’une maison somptueuse ; loin d’être refuge, cette villa est " assiégée" de l’extérieur par des manifestants qui réclament justice et pleurent les disparus ; cette foule avec ses cris ses slogans sa musique (flûte) certes hors champ est un personnage à part entière celui qui harcèle martèle sa colère et qui dessillera les yeux de l’épouse et de la fille ; le général quant à lui toujours dans le déni a besoin -"pour être touché dans son âme, de quelqu’un qui vienne de l’au-delà" (propos du réalisateur revue de presse); alors oui en proie à des hallucinations auditives il est visité par une Llorona incarnée par la nouvelle domestique qui le confronte à son passé de génocidaire !
Les mouvements de caméra, la maîtrise des cadres, une ambiance quasi sépulcrale contribuent non seulement à mêler réalisme et fantastique mais à moduler l’angoisse -comme dans un thriller- entraînant le spectateur dans cette plongée cauchemardesque. Et l’alliance entre fantastique et politique ne participe-t-elle pas du " réalisme magique" que revendique le cinéaste ?
Cheveux longs qui ruissellent, blanc albâtre des robes, lumière coruscante ou blafarde, regards hagards, visages figés par la peur, visions d’horreurs, tout concourt à briser le tabou qui continue à peser sur les 36 années de guerre civile et à stigmatiser l’impunité des responsables
"il y a des morts qui ne font pas de bruit, Llorona -pleureuse-, et leur peine est plus grande" (extrait du chant la Llorona que l’on entend in extenso alors que défile le générique de fin)
A ne pas rater!!
Colette Lallement-Duchoze