de Rùnar Rùnarsson (Islande)
avec Bjarki Thor, Ragnar Jönsson, S Albertsson
prix public jeune au festival de Locarno
En Islande, alors que tout le monde se prépare pour les fêtes de Noël, une ambiance particulière s’empare du pays. Entre exaltation et inquiétude, Echo dresse un portrait mordant et tendre de notre société moderne.
Circonspect intrigué ? Oui on l’est au tout début. Derrière des vitres voici des "masses" difficiles à identifier au repos ; puis une musique symphonique va servir de prélude au ballet de ces rouleaux et jets haute pression ; nous sommes dans une laverie automatique pour autos ; une voix de soprano accompagne tournoiement et ascension. Lavage d’une voiture et magie! .. Le prosaïsme accède au poétique et pourquoi pas au symbolique par métaphore. Dans cette scène liminaire, aucun être humain (en écho vers la fin ce sera la mer et ses gouffres amers, la valse des vagues écumantes qui déferlent sur le bateau) Est-ce à dire qu’il s’agirait d’un échantillon de la déshumanisation (pour la première scène) et de la pérennité de l’insularité (pour l’autre)???
Echo s'éploie en plus de 50 tableaux filmés à la manière de Roy Andersson (Chansons du deuxième étage Nous les vivants) : la caméra est fixe, entrent dans son champ de vision des personnages qui évoluent le temps que dure leur micro histoire. Ce sont des saynètes -certaines tels des flashes ou des instantanés, d’autres plus longues-, qui se succèdent en kaléidoscope -lequel est aussi une radiographie de la société islandaise et, sans extrapoler, de la société occidentale. Avec ces constantes : problèmes économiques (on préfère brûler la maison reçue en héritage que payer les réparations…) réfugiés (intrusion de la police dans une église) part belle faite aux enfants (cf la scène d’accouchement ou le ballet aquatique des bébés) entretien de son corps (gym aquatique pour le troisième voire quatrième âge, femmes bodybuildées en institut) discours politique et auditoire (à la première ministre qui s’exprime à la télévision répondent les commentaires divergents) jeux de société (de pauvres bougres avinés jouant au Monopoly sont à la tête de fortunes mirifiques) etc... Et dans ce contexte hivernal les élans de générosité ne sauraient abolir les détresses profondes (voyez ce vieil homme aphasique dans une maison de retraite- euphémisme pour mouroir- il peine à ingérer la nourriture qu'on lui sert à la petite cuillère de même qu'il peine à reconnaître sa petite-fille et semble insensible à sa logorrhée verbale; son visage suinte la douleur et un mouvement de cils semble dire l'inanité d'une quête vers un Ailleurs, si loin si proche???)
La fragmentation (cf l’affiche) - choix d'une narration éclatée (alors que chronologiquement Echo nous entraîne dans les préparatifs des fêtes de fin d’année, de Noël à Nouvel An), ne signifie pas incohérence. Certes le réalisateur accorde le primat à l’intuition sur la logique. Mais parfois c’est bien par association d’idées que le spectateur (r)établit le "chaînon apparemment manquant" : un exemple parmi d’autres : on passe du corps mort d’un enfant dans son cercueil (église vide cercueil blanc ouvert) à celui d’un jeune athlète noir (dans un solarium il explique au téléphone qu’il cherche "non pas à bronzer" mais à vaincre une dépression due au manque de lumière…)
Si la caméra est fixe (imaginons-la sur un trépied) le réalisateur varie plans, angles de vue dans un cadre fixe : Plan large sur cette étendue d’un blanc immaculé ; entrent progressivement deux par deux des personnages ; on comprendra que c’est une battue et non une simple promenade.... Plan serré sur la première ministre qui s’exprime pour ses vœux de fin et début d’année. Plan rapproché sur cette femme qui parle à son nouveau-né (alors qu’en arrière-plan réduite à une silhouette se profile la mère). Certaines scènes sont muettes (celle des bouchers par exemple) d’autres privilégient une parole laconique mais terriblement efficace (rencontre sous un abribus de deux femmes…au passé commun...Visite au cimetière d’une veuve accompagnée de sa fille et de son petit-fils)
Fragments diffractés d'une société dans son entièreté!
Un film certes étrange que je vous recommande vivement
J'entends déjà des esprits chagrins vilipender un "exercice de style" fastidieux voire sclérosant
Rappelons -excusons ce truisme- qu’une critique est plus révélatrice de son auteur que de l’objet analysé!!!
Colette Lallement-Duchoze