de Dominik Moll (France)
avec Denis Ménochet, Laure Calamy, Damien Bonnard, Valérie Bruni Tedeschi
Une femme disparaît. Le lendemain d’une tempête de neige, sa voiture est retrouvée sur une route qui monte vers le plateau où subsistent quelques fermes isolées. Alors que les gendarmes n'ont aucune piste, cinq personnes se savent liées à cette disparition. Chacune a son secret, mais personne ne se doute que cette histoire a commencé loin de cette montagne balayée par les vents d’hiver, sur un autre continent où le soleil brûle, et où la pauvreté n’empêche pas le désir de dicter sa loi.
Le film s’ouvre sur une scène de rue à Abidjan ; la caméra suit Armand à vélo portant sur le dos un bouc (une chèvre?) . Et quand le jeune pénètre dans l’appartement de …, nous quittons l’Afrique ses couleurs ocreuses pour le Causse Méjean blanc de neige ; nous y suivons Alice, Joseph, Michel, Marion (et Evelyne…. la disparue) et -circularité du récit oblige- ce sera de nouveau Abidjan. Deux continents aussi éloignés dans leurs mœurs leurs croyances et pourtant...effet papillon ? (comme dans Babel?) reliés -pour la fiction- par une quête commune. Pour le Causse, la mise en scène privilégie les grands espaces irradiants de blanc mais aussi ces intérieurs de fermes isolées à la lumière nocturne vacillante (en harmonie avec les états d’âme des protagonistes, Michel et Joseph surtout) ? Pour la capitale ivoirienne c’est le monde tumultueux de tous les trafics...
Chaque chapitre tout en dévoilant un aspect de l’intrigue...(du moins en mettant en scène un personnage qui a partie liée avec la disparue) en opacifie d’autres encore plus troublants. Comme si la "convention" liée à la quête/ enquête et dont le spectateur est devenu partie prenante, était subvertie par un labyrinthe de "fausses pistes" Avec toutefois une thématique récurrente : la recherche effrénée de l’amour qui comblerait le vide abyssal d’une insupportable solitude car le point commun de tous les personnages est de se sentir profondément seuls même s’ils semblent très entourés (propos du réalisateur)
Ainsi le film avance par enchevêtrements et segments : les séquences de chapitre en chapitre vont se superposer en se complétant ; à partir d’un événement inaugural, voici une multiplicité de points de vue (parfois c’est la reprise d’une même scène avec un angle et un point de vue différents censés expliciter des questionnements que le réalisateur laissait en suspens mais qui peuvent tout aussi bien les démentir). Et ça et là distillées avec parcimonie tout en étant prégnantes les marques d’une sordide étrangeté.
Et les bêtes? Bouc ovins chiens oiseaux sont les témoins muets (un aboiement forcément perturbateur entraîne la "mort") tout en étant les seuls détenteurs de la Vérité.
Et ce n'est pas pur hasard si dès le prologue un animal (destiné au sacrifice??) fait corps avec un personnage
On sait que Dominik Moll excelle dans la montée de la tension (rappelez-vous Harry un ami qui vous veut du bien, ou encore Lemming) et dans le registre de l’étrange (cf ici cette caverne de foin, antre/refuge des fantasmes de Joseph)
Et pourtant ce film-puzzle, ce labyrinthe de passions, cette ronde de personnages, pêche par certains excès : l’enchevêtrement perd assez vite de son efficacité et les échanges par écrans interposés (dernière partie) sont d’une longueur démesurée (même si l’opposition arnaqueur/gogo est pathétique)
Est-ce le passage du thriller à l’auscultation d’âmes en peine, solitaires ? On sait pourtant que la recherche du cadavre et partant de l’assassin, est souvent secondaire, dans les bons thrillers...
A un moment Joseph (Damien Bonnard vu récemment dans Les Misérables) contemple un gouffre ; est-il sans fond ?
Le spectateur lui se laisse prendre au piège ; très intrigué au début, il risque de se ….lasser !
Cela étant tous les acteurs jouent leur partition avec un certain brio -et surtout Denis Ménochet si convaincant déjà dans "jusqu'à la garde" ou "grâce à Dieu"
Colette Lallement-Duchoze