d'Andreas Horvath (Autriche)
avec Patrycja Planik
Présenté au festival de Cannes (Quinzaine des Réalisateurs)
Lillian, échouée à New-York, décide de rentrer à pied dans sa Russie natale. Seule et déterminée, elle entame un long voyage à travers l’Amérique profonde pour tenter d’atteindre l’Alaska et traverser le détroit de Béring…
Le réalisateur Andreas Horvath -dont c’est le premier long métrage- était présent à l’Omnia le 5 décembre. Il a expliqué la genèse de son film (l’histoire vraie, celle de Lillian Alling disparue faisant la route à pied de l’Amérique à la Russie en 1927, non seulement l’a inspiré mais fasciné et ce, depuis 15 ans) .De même il a commenté deux scènes- pour le moins surprenantes!! :celle de l’ouverture, -l’industrie porno comme illustration suprême du capitalisme, de l’ultra libéralisme - (Lillian se présente pour un rôle; refusée à cause de problèmes de langue et de passeport périmé; cet échec la conduit à retourner à pied dans son pays d’origine, la Russie). Séquence finale -où l’on assiste au partage en parts égales, sans monnaie d’échange, d’une baleine capturée- comme illustration d’un système communautaire. Ces deux scènes - politiquement très connotées - encadrent un road movie où la solitude et le mutisme de la marcheuse (admirable Patrycja Planik) s’inscrivent dans la magnificence ou la rudesse des paysages, leur évidence solaire ou leur beauté crépusculaire ; leur prégnance somptueuse ou redoutable. À un moment de ce long périple le craquèlement des lèvres gercées de la jeune femme est en symbiose avec une nature minérale ; de même des blocs de rocher dressés telles des stèles semblent annoncer l’imminence de la mort
Une figure de la marginalité où le trivial peut rencontrer le grandiose; où la quête de la survie (se nourrir, se vêtir, se laver) peut se parer de la beauté d'un conte
Rencontre avec des humains ? C’est la séquence poursuite dans un vaste champ de maïs, une scène à la fois drôle et terrifiante. C’est la présence de Sioux Lakotas rassemblés pour protester contre la construction d’un pipeline, c’est le rôle d’un shérif bienveillant, c’est le spectacle d’une course de stock cars, tant prisée par les habitants du Midwest.
Là où l’aspect documentaire semble s’imposer, c’est toujours la thématique de l’effacement et de la disparition qui est privilégiée ; ainsi certains panneaux que découvre Lillian et que le spectateur lit en même temps qu’elle, insistent sur les disparitions de jeunes femmes ...ainsi dans une maison abandonnée une photo une carte postale isolées par l'oeil de la caméra, disent non seulement la dévastation, la renonciation (imposée?), mais sont aussi le syllabaire d'un reliquaire. En écho, la poupée -compagne, viatique de Lillian- échouée sur la grève !
Lillian ou la figure universelle de l’étranger?
Lillian est allongée ; un gros plan sur son visage s’en vient capter la vie ...Mais une vie qui s’en est allée
Lillian à jamais enfouie sous une pellicule diaphane
Un film à l’audace inégalée
Un film à ne pas rater
Colette Lallement-Duchoze