De Diao Yinan (Chine)
Avec Hue Ge, Gwei Lun Mei, Liao Fan, Huang Jue
Présenté en Sélection officielle au festival de Cannes
Un chef de gang -trahi par ses pairs- en quête de rédemption et une prostituée prête à tout pour recouvrer sa liberté se retrouvent au cœur d’une chasse à l’homme. Ensemble, ils décident de jouer une dernière fois avec leur destin.
Pluie diluvienne qui crépite, sang qui gicle, sperme qu’on recrache dans l’eau du lac, course effrénée des motos (vues quelquefois en plongée tels des insectes) qui pétaradent, couleurs flashy (rose fuchsia surtout) ballet sur musique pop de baskets fluo, présence d’un zoo (où l’animal placide contemple la sauvagerie des hommes) tempo qui fait alterner rythme trépidant et lenteur calculée (dans les scènes de duos ou les pauses du fugitif) ambiances essentiellement nocturnes d’un cloaque à ciel ouvert, tout cela au service d’une intrigue à la fois complexe et simple. Complexe : le manipulateur est sans cesse manipulé dans la guerre des gangs ; des scènes similaires en écho : répartition des quartiers pour les vols présentée par le caïd de la pègre et quadrillage présenté carte à l’appui par un état-major pour la traque ; une prostituée qui joue double jeu. Simple : une course poursuite, une chasse à l’homme qui va mobiliser médias police entourage et pègre ; et les récits en flash back sont censés élucider la cause du meurtre de policiers et le rôle de l’épouse du fugitif
Ce thriller chinois ne fait pas dans la dentelle (cf ampoule éclatée, décapitation…) à l'instar de Tarantino
Et pour un Occidental le film se donne à lire aussi comme une cartographie d’une Chine sordide : nous sommes en 2012 à Wuhan, -capitale tentaculaire de la province de Hubei- aux nombreux lacs -dont celui des oies sauvages.
Dans cette cité, les bas-fonds -véritable fourmilière-, les poubelles la promiscuité l’insalubrité sont les décors du vice généralisé ; une cité avec ses gangsters à la sauvette, ses prostituées, ses travailleurs clandestins, ses policiers désorientés ; et pourtant la police, omniprésente, peut traquer n’importe quel citoyen lambda, jusque dans cette zone de "non-droit" le lac aux oies sauvages - là où les femmes se prostituent dans l’eau
Une œuvre qui peut subjuguer autant qu’elle peut laisser perplexe (voire ennuyer)
On risque de dénoncer l’artificialité des prouesses cinématographiques (dont la sophistication des éclairages et la complexité de certains plans) et l’excès de formalisme
Et si "le lac aux oies sauvages" n’était qu’un cauchemar opaque et virtuose à la fois ? La traque dans la cave d’un hôtel, le bandit tué au parapluie resteront dans les mémoires. Et le briquet/fausse piste?
Et si le regard du réalisateur invitait à surplomber celui des autorités et de la pègre ?
Je vous laisse juge
Colette Lallement-Duchoze