16 décembre 2019 1 16 /12 /décembre /2019 08:52

de Karim AÏnouz (Brésil)

avec Carol Duarte, Julia Stockler, Gregorio Duvivier, Fernanda Montenegro (Euridice âgée) 

 

Prix Un Certain Regard Cannes 2019

Rio de Janeiro, 1950. Euridice 18 ans et Guida 20 ans, sont deux sœurs inséparables. Elles vivent chez leurs parents (père boulanger, mère au foyer) et rêvent, l'une d'une carrière de pianiste, l'autre du grand amour. A cause de leur père, les deux sœurs vont devoir construire leurs vies l'une sans l'autre. Séparées, elle prendront en main leur destin, sans jamais renoncer à se retrouver...

La vie invisible d'Euridice Gusmào

Un mélo tropical sublime ! Titre racoleur et dissuasif tout à la fois... ? Oui si l’on fait du mélo un "sous-genre" ....Mais....

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Adapté du roman de Martha Bathala, le film de Karim Aïnouz évoque -en montage parallèle- le parcours de deux sœurs aimantes et rebelles, sur plusieurs décennies. Voici  deux destins qui, à cause de l'intransigeance et des mensonges d'un père macho phallocrate, vont se frôler sans se rencontrer. A travers leur destinée,  le réalisateur dénonce une société patriarcale, son immobilisme et son hypocrisie et rend un bel hommage à toutes ces femmes "invisibles"  qui ont œuvré pour leur émancipation. Un film en résonance avec la politique extrême droitière de Bolsonaro qui fait voler en éclats certaines conquêtes sociales durement acquises ( sa politique  ne renvoie-t-elle pas aux années 50, celles du début du film?...)

 

Le montage parallèle, la voix off de Guida (persuadée que sa sœur Euridice est à Vienne) les lettres qu’elle lui envoie (comme autant d’appels déchirant la nuit, ou reflétant ses propres fantasmes), assurent une certaine fluidité au passage des années, alors que des ellipses temporelles ou factuelles permettent au réalisateur d’aller à l’essentiel. Une séquence mériterait un commentaire particulier tant la succession des plans est astucieuse et les jeux de miroirs éclairants : celle où les deux sœurs ont failli se rencontrer dans un restaurant…si loin, si proche…

Couleurs chaudes, intérieurs kitsch, jeux de lumière diffractée, sensation de moiteur, grain de la pellicule, le travail de la photographe Hélène Louvart est impressionnant. Il va de pair avec une maîtrise du cadrage -que l'espace soit ouvert sur le large, ou clos dans l'enfermement labyrinthique des venelles et dans les cloisonnements réels ou métaphoriques-

Si les scènes de sexe sont très crues c’est qu’elles illustrent une violence, celle du mâle dominateur ; la crudité n’est pas complaisance (acte sexuel et douleur torturante éprouvée par la femme ; phallocratie sens littéral ; acte sexuel et impossibilité pour la femme de disposer de son propre corps; acte sexuel et poids des traditions)

 

Une fresque ? Oui celle des violences et renoncements (tristes tropiques...) Mais traversée par une indéfectible solidarité (celle de la sororité hors liens du sang,  que vivra au quotidien Guida alors qu'elle est fille-mère subissant de plein fouet les ostracismes liés à ce "statut" ) et surtout par les figures emblématiques de la Révolte qu'incarnent Euridice et Guida (admirablement interprétées par Carol Duarte et Julia Stockler)

 

Un film à ne pas rater.

 

Colette Lallement- Duchoze

 

 

 

 

 

 

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