De Marius Olteanu (Roumanie)
Avec Judith State, Cristian Popa, Alexandru Potocean
Section Forum du 69 ème Festival de Berlin
Dana et Arthur, la quarantaine, sont mariés depuis près de dix ans. Mais quelque chose s’est fissuré, à cause de leurs besoins, de leurs croyances, de ce que la vie leur offre, de leurs démons intimes. Un jour, ils devront décider si laisser partir l’autre n’est finalement pas la plus grande des preuves d’amour.
Ténuité de I’intrigue scénaristique, longs plans séquences, longs plans fixes, problèmes sociaux familiaux, traités avec réalisme humour ou gravité, ces caractéristiques typiques du cinéma d’auteur roumain nous les retrouvons dans le premier long métrage de Marius Olteanu.
Comment éviter le piège du statisme ? Le réalisateur a opté pour les silences, la parcimonie dans les dialogues, les ellipses, les non-dits, la lenteur, un format carré (pour les deux premières parties) -celui qui emprisonne chacun des personnages et pose pour le spectateur la question du hors cadre-, la simultanéité différée (les deux premières parties sont censées se dérouler au même moment, celui qui traverse une nuit). Et si avec le jour nouveau (thème de la troisième partie) les deux sont réunis "à l’écran" (cf affiche) dans un format élargi, cela n’induit nullement une "réconciliation" tout au plus un ni avec toi ni sans toi. Ne serait-ce pas plutôt une "réconciliation" avec soi-même, celle que des "monstres" entravaient ? Monstres intérieurs tout autant que ceux imposés de l'extérieur (dont le poids des convenances)?
Et la marche vers cette (ré)union ce simulacre de "réconciliation", débute pour Dana dans le huis clos d’une voiture, dans l’habitacle d’un taxi (on apprendra qu’elle s’est absentée) ; pour son mari dans les bras d’un homme rencontré via internet. Se confier à un inconnu se donner à un inconnu. La voiture devient un personnage à part entière c’est la mémoire confidente. Les "tics" de l’amant passager Alex (ne pas embrasser, refuser l’éclat de la lumière, etc. ) outre leur caractère à la fois comique et dramatique auront-ils une incidence dans les choix d’Arthur?
Aux mouvements de va-et-vient sur le quai de la gare (début première partie) répond l’entraînement dans une salle de sport (début deuxième partie). Dana en très gros plan baigne son visage en larmes sous le robinet d'un lavabo avant de prendre un taxi. Arthur après l’entraînement, isolé sur un banc, décide de répondre à une annonce. Les circonvolutions du taxi épousent celles de l’esprit (même si dominent les non-dits) ; les ratés de l’expérience avec un homme ne remettent pas en cause l’homosexualité d’Arthur
Et comme souvent dans le cinéma roumain un pays une ville (ici Bucarest) un pan de son histoire (ici les difficultés économiques contemporaines et le puritanisme -rémanence de l’ère communiste??) sont concentrés en quelques personnages (la mamie, le chauffeur de taxi, le voisin) dont les quelques répliques assénées tels des couperets, sont lourdes de sens ! )
Une thématique classique (la crise d’un couple après dix ans de vie commune ; les jardins secrets à préserver) traitée avec justesse (exploration des raisons profondes de chacun des deux partenaires) et originalité (deux solistes successifs puis un duo) Mais les choix revendiqués par ce réalisateur, choix qui constituent sa grammaire, son langage, et qu’il tente de réinventer presque à chaque plan pour ne pas les figer, avec cet effet de temps réel, n’entraîneront pas forcément l’adhésion du public !!!!
Un film que je vous recommande !
Colette Lallement-Duchoze