Grand prix de la Semaine de la critique à Cannes,
Grand prix et Prix du public au Festival international du film d’animation d’Annecy.
A Paris, Naoufel tombe amoureux de Gabrielle. Un peu plus loin dans la ville, une main coupée s’échappe d’un labo, bien décidée à retrouver son corps. S’engage alors une cavale vertigineuse à travers la ville, semée d’embûches et des souvenirs de sa vie jusqu’au terrible accident. Naoufel, la main, Gabrielle, tous trois retrouveront, d’une façon poétique et inattendue, le fil de leur histoire...
C’est juste une histoire toute simple que j’ai un peu compliquée, c’est tout
Ça doit être apaisant d'être coupé du monde
(Naoufel à Gabrielle)
Rares sont les longs métrages d’animation où se marient avec élégance l’excellence technique, l’originalité du scénario, la prouesse des formes et mouvements et une atmosphère à la fois poétique et surréaliste.
J’ai perdu mon corps a cette singularité exceptionnelle
La première personne -le pronom "je" du titre- renvoie à la main coupée en quête de son corps ... Nous la suivons " filmée" à sa hauteur déambulant dans la complexité hostile de l’environnement urbain….Un membre fantôme bien vivant dans sa reptation (compacité main et poignet) sa désarticulation (autonomie des doigts érectiles usant de leurs capacités tactiles et préhensiles chorégraphiant l’espace); avec des mouvements d’accélérés ou de ralentis qui scandent une course d’obstacles (trafic urbain, escalators, métro, rats voraces etc..); une main astucieuse qui échappe à la noyade en s’accrochant à une balle de tennis ou qui utilise un parapluie comme parachute...pour ne pas s’écraser au sol…)
Mais le réalisateur se plaît à entrecroiser plusieurs temporalités : car il y a l’avant et l’après main coupée (en écho l’avant et l’après accident qui a coûté la vie aux parents de Naoufel) Et ces temporalités se superposent se côtoient se confondent ...créent des lignes de fuite avec une extraordinaire fluidité !!
De même coexistent trois récits -chacun bénéficie d’ailleurs d’un traitement spécifique - celui de la main, celui de Naoufel enfant -en noir et blanc- toujours à l’écoute de sons et de voix qu’il enregistre en permanence et celui de l’adolescent, nonchalant livreur de pizzas, qui s’éprend d’une voix, avant que celle-ci ne s’incarne dans la personne... de Gabrielle.
Cette coexistence illustre d’ailleurs la thématique récurrente de la "cassure" "déchirure" et de son corollaire : la reconstruction -à la fois psychologique et...métaphorique…- Une reconstruction qui s’appuie sur la mémoire (comment attraper une mouche ? "viser à côté anticiper son mouvement," recommandait le père….et ce n’est pas pur hasard que cette récurrence de la mouche dont les bourdonnements sont amplifiés par la bande-son et dont la taille variera selon le point de vue)
La main coupée vivante à la recherche de son corps est dans ce film -qui mélange noir et blanc et couleur, animation 3D et dessin 2D -, la métaphore d’une quête d’identité - l’amour en est l’épiphanie ! Et la musique de Dan Levy lui confère l'ampleur d'une Odyssée.
J’ai perdu mon corps : un film à ne pas rater
Colette Lallement-Duchoze