De Justine Triet
avec Virginie Efira, Adèle Exarchopoulos, Gaspard Ulliel, Sandra Hüller, Niels Schneider, Laure Calamy
présenté en sélection officielle festival de Cannes 2019
Sibyl est une romancière reconvertie en psychanalyste. Rattrapée par le désir d'écrire, elle décide de quitter la plupart de ses patients. Alors qu'elle cherche l'inspiration, Margot, une jeune actrice en détresse, la supplie de la recevoir. En plein tournage, elle est enceinte de l'acteur principal… qui est en couple avec la réalisatrice du film. Tandis qu'elle lui expose son dilemme passionnel, Sibyl, fascinée, l’enregistre secrètement. La parole de sa patiente nourrit son roman et la replonge dans le tourbillon de son passé. Quand Margot implore Sibyl de la rejoindre à Stromboli pour la fin du tournage, tout s'accélère à une allure vertigineuse…
La réalisatrice aurait-elle inventé un genre nouveau l’ "autothriller" et une nouvelle tonalité la "dramédie"? à travers cette histoire d’une psy qui devient la romancière de sa propre vie ? Spectateur, on assisterait à l’adaptation du propre roman de Sibyl???
Film et roman, en train de se faire, film dans le film, roman dans le roman, fantasmes et réalité ...et ce ad libitum ; ce que vient renforcer le principe de gémellité -entre Sibyl et Margot, Sibyl et sa sœur, Sibyl et Mika la réalisatrice, entre Gabriel et Igor ; et même si la gémellité fonctionne en miroir inversé, Justine Tiret se plaît à démultiplier le motif du double (est-ce Sibyl qui envahit tous les personnages comme elle envahit l’écran de bout en bout ? Chacun reflétant une part d’elle-même : dont la mauvaise conscience "incarnée" par celui qui partage sa vie, et la solitude par l’enfant qu’elle reçoit en tant que psy). Le montage accentue cet enchevêtrement, cet enchâssement d’histoires, (qui se jouent en fait dans l’esprit de Sibyl). Le film bascule avec l’épisode de Stromboli (où le paysage naturel se substitue au paysage urbain ; où les forces vives de la nature remplacent les intérieurs d’appartements) ..mais n’entachons pas le "plaisir" de la découverte ! (fût-elle décevante!)
A tout cela s’ajoute la présence troublante de l’enfant : qu’il s’agisse de Daniel (est-ce le fantôme de l’enfant qu’elle a eu avec Gabriel) et qui prédit au cours d’un jeu de Monopoly "vous allez perdre"; de Selma fille de Sibyl qui se révèlera être le coeur de sa vie (même si la prise de parole finale de l’enfant contraste avec les assertions de la mère/romancière assimilant les gens de son entourage à des "personnages de fiction")
Certes Virginie Efira triomphe dans le rendu du personnage (thérapeute, psy idéale ou sans scrupules, amante folle, séductrice, alcoolique récidiviste, mère aimante et absente) par un talent protéiforme
Mais dans ce foisonnement, ce chaos organisé, il manque pourtant un chaînon susceptible d’entraîner l’adhésion ! Et ce n'est pas la thématique de l'ivresse déclinée dans ses sens propre et figuré (depuis la logorrhée verbale de l'éditeur en ouverture du film jusqu'à l'ébriété finale de Sibyl en passant par l'embrasement de corps aimantés par le désir) qui fera chambouler ! Ni le procédé de la mise en abyme, sur-exploité!
Colette Lallement-Duchoze