De Ernesto Daranas (Cuba USA)
Avec Tomás Cao, Héctor Noas, Ron Perlman
Prix du Public au festival de La Havane, en 2017
1991 : la Guerre froide est terminée, l’URSS s’écroule. Sergeï, un cosmonaute russe reste coincé dans l’espace, oublié par les Soviétiques qui ont bien d’autres soucis sur Terre... À Cuba, à l’aide d’une fréquence radio, Sergio entre en contact par hasard avec Sergeï et va tout mettre en œuvre pour le ramener sur terre. Mais sans le savoir, Sergio est sur écoute et espionné…
ce film s’inspire de faits réels ; mais c’est une fiction
Oui le cosmonaute Sergeï Krikalev à bord de la station Mir a failli ne pas revenir sur terre.... Oui Cuba a connu des années dramatiques en perdant son alliée l’URSS. Oui Ernesto Daranas s'est inspiré de son vécu pour évoquer le quotidien de Sergio!
Et le prologue (format 4,3) rappelle en une succession rapide de plans la chute du Mur, l’implosion de la Russie, la "crise" à Cuba, le discours officiel qui insiste sur la volonté de pérenniser la Révolution à tout prix alors que l’île vient de "perdre" son grand frère…
L'écran s'élargit: on entre dans la fiction! Vues aériennes sur la capitale. Terrasse d’un immeuble ; la mère de Sergio étend son linge ; Sergio tente de "communiquer" en morse avec...Le voisin camoufle ses préparatifs (construction d’un radeau pour se rendre à Miami). Une voix off -celle de la fille de Sergio - commentera tout l’événementiel
Avec humour et beaucoup de tendresse pour ses personnages le réalisateur transfigure une histoire insolite : communication via une fréquence radio entre un professeur de philosophie cubain, un cosmonaute russe bloqué à bord de son engin spatial, et un journaliste, radioamateur américain, en un hymne à l’amitié par-delà tous les clivages (idéologiques surtout).
Même si les trois quarts du film ont été tournés à La Havane, Sergio et Sergeï propose un montage alterné entre deux quotidiens : l’un ancré dans une ville -filmée dans sa spatialité- qui souffre de coupures régulières d’électricité, de privations alimentaires mais où triomphent le système de la débrouille et celui de la "surveillance" … ; l’autre dans l’enfermement d’une prison spatiale russe - habitacle reconstitué en studio-, où la Terre est aperçue à travers un hublot, où l’histoire du pays est évoquée par écrans interposés.
Deux hommes, deux voix, deux regards sur une époque en tragique mutation, une même soif d’évasion, un désir irrépressible de connivence, d’amitié qui se noue via les ondes…Sans oublier les quelques échappées dans le bureau sinistre de Peter (Ron Perlman, l’inoubliable bossu du Nom de la Rose)
Le film s’apparente ainsi à un conte philosophique où la station Mir s’en vient symboliser la fin d’une époque ; où le système dual (Sergio est espionné autant que l’est Peter, alors que Sergeï est assisté par un "ami qui lui veut du bien" …) est contrebalancé par la noblesse des sentiments
Et tant pis pour ce qui ralentit ou alourdit le rythme !
La tête dans les étoiles ! Oui ! (cf l'affiche) Mais une volonté d’abolir ici-bas ces murs de la Honte que nos sociétés dites civilisées construisent à tout-va (murs des séparations et/ou clivages sociaux érigés en normes!)
Colette Lallement-Duchoze
Bien vu Colette, ce film est agréable à regarder pour toutes les raisons que tu décris. Dommage que le personnage du flic cubain du contre-espionnage soit joué caricaturalement. Est-ce pour dédramatiser, rendre comique la paranoïa de l'administration ?
Le film est empreint de douceur et légèreté, de recul, et on le doit beaucoup à l'interprétation aussi du personnage principal Sergio.
Serge 4/05/19