De Beatriz Seigner (Colombie)
Avec Doña Albina, Yerson Castellanos, Enrique Díaz
Présenté au festival de Cannes (Quinzaine des Réalisateurs)
Présenté en avant-première dans le cadre du festival "elles font leur cinéma" à Rouen le samedi 30 mars 2019 en présence de la réalisatrice
Fuyant les exactions des FARC, des groupes paramilitaires et de l'armée, une mère et ses deux enfants se réfugient à la frontière brésilienne dans un village habité par les fantômes des victimes de la guerre, à commencer par celui du mari et père de famille.
ou
Nuria, 12 ans, Fabio, 9 ans, et leur mère arrivent dans une petite île au milieu de l’Amazonie, aux frontières du Brésil, de la Colombie et du Pérou. Ils ont fui le conflit armé colombien, dans lequel leur père a disparu. Un jour, celui-ci réapparaît mystérieusement dans leur nouvelle maison.
Quelle est donc cette île « de la fantasia » où cohabitent vivants et morts ?
Une île sur l’Amazone à la frontière entre le Brésil, le Pérou et la Colombie ; envahie par les eaux 4 mois par an elle refait surface comme par magie…
C’est là que Beatriz Seigner a tourné « los silencios »
Dès la première séquence le spectateur est plongé dans une atmosphère étrange celle d’un nocturne énigmatique et inquiétant; on devine la silhouette d’un frêle esquif, une pirogue, on entend le clapotis de l’eau, le bruit des rames et voici qu’une mère et ses deux enfants débarquent dans un village sur pilotis accueillis par une parente (Morte ? Vivante?) « c’est un miracle que vous soyez vivants »
Ces déplacés, -suite aux affrontements entre paramilitaires colombiens et guérilleros dont faisait partie le mari tout juste disparu- ces réfugiés vont peiner à s’insérer dans ce village (trouver un emploi, inscrire à la cantine le fils Fabio, lui acheter un uniforme, etc.) mais ils ne sont pas perturbés quand le mari s’assoit tout naturellement à la table, quand la fille caresse le visage de sa mère éplorée, quand la mère dans la lenteur et la délicatesse de ses gestes lisse les cheveux de Nuria ou quand l’assemblée des morts prodigue ses conseils aux habitants...
Les âmes errantes ne sont pas traitées sur le mode surréaliste surnaturel ou fantastique. Beatriz Seigner les signale par de petites touches de couleurs fluorescentes et c’est au spectateur d’accepter la cohabitation, spectateur si accoutumé aux logiques cartésiennes qu’il en oubliera peut-être tous les signaux qui balisent la narration….
Des bruits répétitifs -bruissement de l’eau et du végétal, chant des oiseaux et de la pluie, frémissements – contribuent eux aussi à transformer un récit en une authentique liturgie (dont la longue séquence finale serait le fulgurant aboutissement)
Cette alliance entre allégorie et réalité sociale et politique s’inscrit-elle dans ce qu’on appelle "réalisme magique" ? Le concept d’abord réservé à la peinture puis à une forme de littérature latino américaine, peut sans conteste s’appliquer à ce film où la normalité du quotidien le plus banal épouse presque à chaque instant (au détour d’un cadre d’une lumière d’un geste) la magie du sublime;
Un réalisme magique comme "mode d'écriture"
à voir absolument !
Colette Lallement-Duchoze