De Lila Avilés (Mexique)
Eve, une jeune femme de chambre, travaille dans un luxueux hôtel de la ville de Mexico. Pour trouver la force et le courage nécessaires d'affronter sa monotonie quotidienne, elle s'évade à diverses fantaisies à travers les objets personnels laissés par les invités de l'hôtel.
Film minimaliste, film épure, sans discours frontal, sur la condition de ces invisibles -travailleurs de l’ombre dans les hôtels de luxe au service des "nantis" des clients souvent capricieux et égoïstes- à travers le portrait d’une jeune femme de 24 ans Eve. Son rêve d’ascension sociale ? travailler pour un meilleur salaire, au 42ème étage celui des suites somptueuses dédiées aux richissimes clients alors qu’elle est "confinée" au 21ème…
La réalisatrice dit s’être inspirée de Sophie Calle (cette "exploratrice de l’intime" avait décidé en 1981 de se faire embaucher comme femme de chambre à Venise dans un hôtel de luxe, à l’affût d’objets, ces petits riens laissés par les clients, révélateurs de leur existence) Dans la camarista hormis quelques gestes de captation, c’est plutôt la violence -suggérée- des rapports sociaux qui serait au premier plan ; et l’hôtel de par sa verticalité et la circulation incessante de monnaies d’échange deviendrait la métaphore d’une société
Caméra fixe -hormis pour la dernière séquence, celle d’une ouverture- Elle emprisonne le personnage dans son cadre (travaillé avec un soin particulier) ; quand Eve quitte le champ, un chuchotement l’accompagne hors champ (là encore la bande-son qui restitue le fond sonore de l’hôtel a été particulièrement soignée). Et voici que défile sous forme de tableautins le quotidien d’une femme de chambre apparemment placide et résignée : elle évolue entre les chambres du 21ème -où elle lisse les draps et récure la salle de bains-, l’ascenseur, les sous-sols, blanchisserie, cantine, elle se lie d’amitié avec une collègue, suit des cours. Nous apprenons -par ses appels téléphoniques- qu’elle a un enfant, qu’elle ne rentrera pas tous les soirs, que les conditions d’existence sont bien précaires (une carafe d’eau en guise de douche)
Un huis clos donc - la mégalopole que l’on devine à travers les baies vitrées des chambres semble figée telle une carte postale ; le laveur de vitres sur sa nacelle est perçu comme une intrusion de l’extérieur sur lequel Eve semble avoir tous les pouvoirs mais quand le personnage est à "l’intérieur" de l'hôtel, les tentatives de communication sont vouées à l’échec…
Les tonalités sont neutres, le blanc des draps presque sépulcral (cf affiche) les uniformes des employées filmées en plans rapprochés sont traités en aplats ; seule couleur chaude : le rouge de la robe tant convoitée !!!
La camarista ou la sobre élégance de la dignité !
Un film à découvrir
A voir absolument !
Colette Lallement-Duchoze