19 mars 2019 2 19 /03 /mars /2019 07:33

De Siew Hua Yeo (Singapour) 

avec Xiaoyi Liu, Peter Yu, Jack Tan, Yue Guo 

Singapour gagne chaque année plusieurs mètres sur l’océan en important des tonnes de sable des pays voisins – ainsi que de la main d’oeuvre bon marché.  Dans un chantier d’aménagement du littoral, l’inspecteur de police Lok enquête sur la disparition d’un ouvrier chinois, Wang, jusqu’alors chargé de transporter des ouvriers. Après des jours de recherches, toutes les pistes amènent Lok dans un mystérieux cybercafé nocturne...

Les étendues imaginaires

Mélange des genres (policier, film noir, drame social) éclatement de la chronologie, ambiances nocturnes, passage sans transition d’un labyrinthe (mental ou virtuel) à l’autre (géographique), porosité de la frontière entre réel et imaginaire, vrai et faux, réel et virtuel, tout dans ce film de Siew Hua Yeo concourt à nous dérouter (changer constamment de « point de vue ») et ce faisant, à nous séduire

 

Un exemple : au tout début un inspecteur enquête sur la « disparition » d’un ouvrier chinois Wang ; nous suivons Lok sur le chantier singapourien et découvrons avec lui les conditions d’hébergement précaires (pour ne pas dire inhumaines); on est dans le genre policier doublé d’une chronique sociale; mais dès l’instant où Lok, après avoir pris la boîte de somnifères (indice de la présence de Wang), dit avoir rêvé de lui -sans le connaître- voici qu’apparaît au second plan cet ouvrier et le film va basculer dans un long flash back sur les jours qui ont précédé sa disparition….

 

Wang souffre d’insomnies, -tout comme le policier- il enquête à un moment sur la disparition de son collègue bangladeshi (tout comme Lok). Sommes nous dans le réel ? Ou dans l’esprit de Lok ? Fantasme ou réflexion ? 

 

Dans le cybercafé nocturne où nous sommes aux côtés de Wang (puis plus tard de Lok)- nous entendons la voix off du premier affirmer qu’il a rêvé cette enquête .Mais voici un autre partenaire de jeu ... omniscient... serait-il le vrai démiurge ? Et  une très belle séquence nous fait traverser -sur l’écran vidéo- des ambiances architecturales à la Chirico ..

 

On l'aura compris: de Singapour nous ne verrons que l’envers d’un décor devenu cliché ( ville de 700 km2 occupant une grande île et son « miracle économique » ..) L’envers?  celui des tonnes de sable déversé (de très gros plans nous en font sentir  la matérialité; mais c'est aussi sous le sable que disparaissent  les "invisibles", les "sans-papiers" ceux dont a confisqué les passeports...)  L'envers? celui des travailleurs étrangers sur-exploités dont nous partagerons momentanément les échappées par le rêve et la danse ....

 

Un film remarquable!!

 

Colette Lallement-Duchoze

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